IV

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Je me suis jamais senti aussi bien que sur mon vélo ou mon skate, aller vite sans effort, sentir l'air glisser sur ma peau, l'entendre battre contre mes oreilles. J'ai l'impression de respirer pleinement, à plein nez sans difficulté.

Depuis toujours, j'ai ce poids qui me compresse la poitrine, cette constante impression de me noyer, ne plus avoir accès à l'air pour respirer.

Je suis à tendance anxieux, je fais souvent des attaques de panique sans vraiment savoir d'où ça vient. Je perds le contrôle de moi-même, je ne gère plus rien, maman n'est pas au courant que pour me calmer, je tape dans les murs. Elle ne comprendrait pas si je lui expliquais, elle finirait par me prendre pour un fou.

En commençant le vélo puis le skate, je me suis rendu compte que, même si elles ne disparaissaient pas, mes crises étaient largement réduites. Je sais que le seul moyen de les faire disparaître complètement est d'aller à la falaise.

Je regarde mes poings fermés sur le guidon, pleins de cicatrices plus ou moins récentes. Certaines de mes phalanges sont encore bleues et me font souffrir lorsque je serre le guidon un peu trop fort, mais ce petit détail importe peu maintenant.

J'ai enfin quitté la ville, depuis une bonne heure, je suis sur les routes, entourées de forêt. Le son du vent à travers les feuilles est l'un de mes préférés, avec celui des vagues, de la pluie sur le goudron et de l'orage. La courroie de mon vélo fait un peu plus de bruit que d'habitude mais pas de quoi s'inquiéter.

Il fait beau, il n'y a pas grand monde sur les routes, rien ne peut contrarier mon voyage. Pas même mes mains blessées, la courroie de mon vélo fatiguée ou ma solitude qui pour le coup me va parfaitement. Je n'ai pas maman qui m'ignore ou m'engueule à tout bout de champ, ni même Rose qui me parle toujours du même garçon depuis des mois.

Je n'ai jamais eu d'amis avant elle et ça m'allait étrangement bien. Tout le monde me trouvait bizarre, ils ont sûrement raison là-dessus. Après tout, qui quitterait toute sa vie pour aller voir une falaise, magnifique soit-elle ? Probablement personne.

La vie en société ne me va pas, la vie en général non plus. C'est pour ça que la liberté que j'attends tant de trouver est dans cet immense paysage.

la falaise de la libertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant