Je me dégage de mon lit et fais les cent pas dans ma chambre. La moquette sous mes pieds me permet de ne pas faire de bruit et ainsi ne pas réveiller maman.
Le moment de mon départ approche à grand pas, je suis à la fois tiraillé entre l'excitation et la peur. J'ai peur de ne pas arriver à destination, j'ai peur que maman me retrouve avant que je n'ai terminé mon voyage. Si tout se passe comme prévu, elle ne devrait jamais réellement me retrouver, dans le sens premier du terme.
Je fais un demi-tour sur moi-même, pose mes yeux sur mon bureau. Je m'approche de celui-ci et essaye d'ouvrir le plus doucement possible le tiroir. Ce bureau, vieux de je ne sais combien d'années ne peut dépêcher de grincer et je grimace, espérant que cela ne retire pas maman de son profond sommeil. Je reprends ma respiration et sors les deux lettres que je conserve depuis plus de deux semaines ici. Elles sont dans de belles enveloppes que j'ai achetées exprès, et où j'y ai laissé ma plus belle calligraphie. Le nom de maman et celui de Rose sont gravés dessus. Étonnement, lorsque je les ai écrites, les mots sont tombés naturellement sur le papier. Moi qui suis du genre à ne pas savoir dire les choses lorsqu'elles sont un peu trop intimes, ici, c'était simple comme bonjour. L'alcool et les larmes ont sûrement joué un rôle là-dedans.
Je les prends et m'assois par-terre, adossé à mon lit, je laisse ma tête partir en arrière, s'enfonçant dans ma couverture. Je ferme les yeux un moment et lorsque je les ouvre à nouveau, je vois flou. Mes joues sont humides, je les nettoie d'un revers de la manche de mon sweat mais rien n'y fait, elles s'humidifient encore. Tant pis, de toute façon, c'est la dernière fois, autant laisser faire.
Je laisse les lettres traîner sur la moquette et me relève. J'ouvre la fenêtre de ma chambre; au loin, le ciel noir commence à s'éveiller. Je prends une inspiration, avale difficilement ma salive, respire l'air frais de l'extérieur.
Cette fois-ci, pas question de me montrer faible, il est temps.
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la falaise de la liberté
Nouvelleslettres terminées, sac fermé, gilet et rangers enfilés. je rejoins les rayons de soleil qui font enfin leur arrivée. je grimpe sur mon vélo fatigué, lance un dernier regard à cette maison en ruine, prends une longue inspiration et me laisse enfin...