Quand nos plats arrivent, je perds toutes les politesses du monde et dévore tout en peu de temps. J'ai l'impression de ne pas avoir mangé depuis des semaines.
Le vieil homme tente de savoir d'où je viens, depuis quand je suis sur la route mais je n'ai pas envie de lui répondre. Si je lui dis que j'ai quitté la maison, je suis sûr qu'il appellera la police pour qu'ils viennent me chercher. Je lui dis donc simplement où je vais, en terminant de manger, silencieusement. Le ciel commence à se coucher de plus ne plus, je dois me dépêcher d'arriver à la falaise avant de ne plus rien voir. Lorsque vient le moment de payer, il refuse mon argent. J'offre tout en pourboire car je n'en ai plus besoin.
— Je sais que ton vélo est réparé, mais il commence à faire nuit, la falaise n'est pas très loin en voiture, tu veux que je dépose là-bas, ça ira plus vite ? Je hoche la tête.
Je dois me dépêcher d'arriver là-bas, ma chute m'a mis en retard. J'ai perdu plus de temps que prévu, en débordant sur mes quinze minutes accordées.
Dans la voiture, je reste toujours autant silencieux, le regard sur le paysage extérieur, qui ressemble de plus en plus à celui de la falaise. Mon coeur tambourine à nouveau fort dans ma poitrine. Je finis par l'apercevoir devant moi. Je lui demande de s'arrêter. Le paysage est magnifique, au bord de cette route entourée de roches, de sapins et de nuages sombres. Je suis enfin arrivé, j'ai réussi, avec un vélo cassé, des égratignures, mais j'ai réussi !
Je me sens bien, mais pourtant, j'ai envie de pleurer. Peut-être car le paysage est mille fois plus beau que sur les photos ou dans mes rêves. Les odeurs de la nature, des sapins, de l'air pur et de l'eau salée en contre-bas sont incroyablement agréables, je n'en reviens toujours pas. Je me tourne vers le vieil homme et lui demande s'il a des petits-enfants.
— Oui, pourquoi ? Je lui offre mon vélo. Je ne peux pas accepter petit. J'insiste, je n'en ai plus besoin, il accepte enfin. Je le remercie et le prends dans mes bras. Fais attention à toi petit, la falaise est dangereuse, il n'y a pas de barrières de protection. Un dernier regard, un dernier sourire et il s'en va, me laissant ainsi seul avec ma liberté.

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la falaise de la liberté
Historia Cortalettres terminées, sac fermé, gilet et rangers enfilés. je rejoins les rayons de soleil qui font enfin leur arrivée. je grimpe sur mon vélo fatigué, lance un dernier regard à cette maison en ruine, prends une longue inspiration et me laisse enfin...