IX

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Je suis le sentier, difficile d'accès et c'est là que mes rangers vont enfin finir par me servir. Je grimpe, redescends, manque de trébucher. J'ai mal à la jambe et à l'épaule, les pansements à leur tour tachés de sang mais je ne fais plus attention à cela.

J'entends enfin tout ce que je voulais à mesure que je m'approche de la falaise. J'entends les vagues s'écraser contre la pierre, le vent circuler entre les sapins, les oiseaux chantonner en s'envolant au-dessus de ma tête.
Je vois enfin ce paysage qui m'a fait tant rêver. J'arrive au bord, j'aperçois la plage en contre-bas, la où était Rose.

Elle est vide. Je me penche en avant, l'adrénaline dans le sang, personne ne fait de l'escalade. Je m'assois par-terre, les pieds dans le vide, tapant la pierre avec le talon de mes rangers.

Tout est parfait, le paysage est parfait, et le ciel sombre aussi. Je le laisse tomber en arrière, sors de mon sac la cigarette et le briquet de maman. Je l'allume et l'apporte à ma bouche.

A ma dernière cigarette, la der des der !

J'aspire cette fumée toxique jusqu'au fin fond de mes poumons avant de la recracher au-dessus de moi, la laissant se disperser dans l'air.

La lune fait son apparition, se reflétant dans l'eau agitée de l'océan. Il est temps pour moi de faire de que j'ai à faire. Je retire mon pull abîmé, mes rangers, sors la fiole de mon sac et la plaquette de médicaments que je vide dans ma paume. Je les mets tous dans ma bouche avant de les avaler avec l'entièreté de la fiole. Je range tout dans mon sac, prends une dernière photo de mon périple avec l'appareil jetable.

Lorsque quelqu'un trouvera ça, il m'aura suivi jusqu'au bout, dès le départ avec une photo de moi devant la maison, jusqu'à moi devant la falaise.

Je me recouche par-terre, les pierres irritent mon dos nu. Les médicaments et l'alcool font enfin leurs effets.

Je me lève en titubant, souffle un grand coup et m'approche du bord de la falaise. Les vagues en bas me tendent leurs bras et m'appellent. Je vois flou, j'ai mal à la tête, je n'arrive plus à rester droit, c'est fini.

— J'arrive douces vagues, attendez-moi ! Je hurle de joie.

Dernier pas, cette fois-ci, rien ne me retient, plus de sol, je me laisse tomber en avant, le vent frappant contre ma peau nue, les yeux fermés, le sourire aux lèvres, l'alcool réchauffant mon cœur et les médicaments détruisant mon cerveau.

J'ai réussi.

fin.

la falaise de la libertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant