1999, Louis.
Louis se laisse tomber sur son siège, tirant son sac-à-dos vers lui. Il se penche, l'ouvre, en sort un magazine et le pose sur sa petite tablette. Devant lui, une vieille japonaise s'installe, des petites lunettes rondes sur le nez, un livre dont il est incapable de lire le titre à la main.
Louis étend un peu ses jambes, et appuie sa tête contre le dossier du siège. Le train est confortable. En quelques heures à peine, il sera à Kyoto. Peut-être même qu'il n'aura pas le temps de s'endormir avant l'entrée en gare. Louis met toujours du temps à s'endormir dans les transports — souvenir de ce jour où il avait raté sa correspondance à Nantes pour rejoindre Paris, et où il s'était retrouvé dans une ville obscure et totalement paumée, à cause d'un sommeil trop profond.Ici, ce serait bien plus embêtant de se perdre. Son anglais est passable, mais son japonais est très mauvais et Louis sait pertinemment qu'à part dans les grandes villes, les langues étrangères ne sont pas vraiment parlées par la population. Quand le train se met en branle, il tourne la tête vers la vitre, pour admirer une dernière fois le paysage tokyoïte.
Est-ce qu'il a aimé la ville ? Oui, sans doute. Il y est resté un mois, tout de même, arpentant les rues son carnet à la main. Il a eu le temps de comprendre ses mouvements, étrangement lents et électriques à la fois, ses caprices, ses colères. Il a eu le temps d'aimer ses arbres en fleurs, le long des grandes avenues, ses panneaux lumineux, ses cafés colorés. Il a eu le temps de cesser d'être surpris par l'extravagance de ses habitants, ou par leur incroyable discrétion. Il a eu le temps de l'apprivoiser, de s'y sentir à son aise. Le premier jour, il s'en souvient très bien, sa verticalité, son étroitesse pleine de lumières et de bruits lui avait donné envie de fuir. Il s'était retrouvé en plein milieu de Shinjuku, happé par une foule hétéroclite, par des sons inconnus, des visages aux milles expressions, des odeurs étranges. Il faisait presque nuit, et Louis s'était aventuré dans les couloirs brûlants et électriques du quartier. Il avait goûté à sa respiration saccadé, à la musique de son âme. Il s'était plongé, les yeux fermés, dans ses veines bouillonnantes. Il en était ressorti au petit matin, épuisé et revigoré à la fois, prêt à recommencer le soir suivant.
Oui, Tokyo lui avait plu. Ce n'était pas comme Paris, grisâtre et déprimant. Peut-être était-ce son regard d'étranger qui lui faisait dire ça, mais il se sentait à Tokyo comme sur une terre désaxée, une terre qui n'aurait pas subi les mêmes dérives qu'à l'occident. Il s'était fait quelques amis. Ils allaient au karaoké, dans les bars excentriques du quartier gay de la ville. Il avait embrassé une fille aux cheveux roses, dont la langue avait un goût de chips au vinaigre. Elle avait des petits coeurs noirs dessinés sous les yeux, et lorsqu'elle riait, elle dévoilait une rangée de dents minuscules et mal alignées. Louis l'avait aimé très fort pendant quelques minutes, puis il l'avait oublié, perdu dans une foule qui ne cessait jamais de lui couper la respiration.
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Cela aussi passera - Larry Stylinson
FanfictionFICTION TERMINÉE ♒︎ 1993. Louis a seize ans, un corps d'adolescent dont il ne sait pas quoi faire, des désirs en pagaille au fond du ventre, des rêves qu'il pense impossible à réaliser. C'est l'été, un été comme tous les autres, lent et brûlé de so...