1993
- H A R R Y -
« Tout le temps qui n'est pas consacré à l'amour est perdu. »
— Pierre L'Arétin
L'herbe du champ est jaune et sèche, calcinée par le soleil du mois de juillet. Sous les baskets sales des garçons, de la poussière vole, épaisse et brune. Le ballon rebondit sur une motte de taupe et va s'écraser dans un buisson aux branches lasses, entre ses feuilles assoiffés déjà vaincues par la chaleur, à onze heures du matin. Quelqu'un hurle depuis l'autre bout du terrain improvisé. Harry plisse légèrement les yeux. Il reconnaît Ben, avec sa casquette rouge vissée sur ses cheveux blonds, un maillot trop grand au nom de Barthez sur le dos.
Le ballon revient. Les garçons se remettent à courir, tempes luisantes de sueur et genoux sales. Le jeu est bon enfant, et pourtant Harry sent que parmi eux, certains se rêvent sur un autre terrain, plus grand, plus vert, acclamés par une foule en délire. Ici, il n'y a que le petit groupe des filles agglutiné autour d'une cage de but pour crier de temps en temps un prénom, sans trop de conviction.
Harry s'assoit sous un arbre. L'ombre fait une flaque opaque autour de lui. Il appuie sa tête contre le tronc osseux, étend ses jambes devant lui. À quelques mètres de là, Louis est en train de dribbler Jim et Harry s'autorise à fixer ses cuisses, ses muscles redessinés par l'effort, la courbe nette de ses mollets, la forme de ses fesses dans son short un peu trop petit.
Harry sait qu'il ne devrait pas faire ça, mais Louis l'obsède chaque jour un peu plus. Parfois, il a vraiment hâte que l'été se termine pour retourner à l'internat dans la ville qu'il a toujours connu, pour retrouver sa solitude, les regards moqueurs et les poings menaçants de Gabriel, à la sortie des toilettes. Avec l'automne et les premières feuilles rousses, avec le vent froid et les ciels gris, Louis s'éloignera, Louis ne sera plus qu'un point flou dans l'horizon de sa vie, de plus en plus lointain et inaccessible. Harry n'aura plus à souffrir de le savoir si prêt et si beau. Harry ne rêvera plus de lui, de sa bouche dont il connaît la douceur, de ses yeux immenses et limpides. Parfois, pourtant, il veut aussi que l'été ne se termine jamais, que sa vie, pour toujours, ne se résume qu'à ses heures de soleil brûlant passées à penser au sourire franc de Louis, à ses petites mains roulant des cigarettes, à sa façon de rire en plissant les paupières.
Harry tombe souvent amoureux. Il tombe fort, et vite, et mal. Il s'érafle genoux et ventre, ses paumes le brûlent, du sang coule dans le siphon de sa douche. Harry s'écrase pour ceux qui n'en valent pas la peine, et dans le fond, il a toujours pensé qu'il le méritait bien. Harry aime les garçons plus âgés, habituellement. Ceux dont les mains peuvent le briser, ceux qui savent où toucher pour trouver immédiatement un point sensible. Ceux dont les yeux ne sont ni doux ni tendres. Ceux dont les dents carnassières mordent sa chair jusqu'à ce qu'il hurle. Ceux aussi, souvent, qui ne se retournent même pas sur son passage. Ceux pour qui, à tout jamais, il ne restera qu'un inconnu de passage, un fantôme sur le siège d'un bus, le gamin étrange dans la file du cinéma.
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Cela aussi passera - Larry Stylinson
FanficFICTION TERMINÉE ♒︎ 1993. Louis a seize ans, un corps d'adolescent dont il ne sait pas quoi faire, des désirs en pagaille au fond du ventre, des rêves qu'il pense impossible à réaliser. C'est l'été, un été comme tous les autres, lent et brûlé de so...