Invidia

VI

- Alors ? Qu'est-ce que tu voulais me dire ?

Louka leva les yeux vers ceux de Mehdi. Il ne savait pas répondre à sa question, ou plutôt, il n'avait pas envie d'y répondre.
Il se mit en tailleur et lui fit signe de venir en face de lui sur le lit. Mehdi se leva alors de sa chaise de bureau et s'assit où Louka lui avait dit.
Ils ne s'étaient pas parlés depuis la dispute. Après son message, ils s'étaient mis d'accord pour se voir chez Louka, après les cours. il lui avait dit vouloir lui parler mais en réalité, l'avoir en face de lui désormais lui faisait perdre ses mots.

- Louka ?

- Oui oui. Euh je voulais te parler de ce matin.

Mehdi le coupa en prenant sa main dans la sienne. Il fit un petit sourire et garda sa main entre les siennes.

- Je m'excuse, dit-il aussitôt.

Louka ne put se retenir de rouler des yeux, et il enleva sa main des siennes. Face à ce geste, Mehdi prit un air étonné.

- Je vais être direct, Mehdi. Ce matin...je pense que c'était la fois de trop.

Louka guettait sa réaction, ne sachant pas à quoi s'attendre. Et Mehdi ne réagit pas vraiment.

- Comment ça ?

- Je t'ai déjà dit que j'en avais marre de ça, et toi, tu fais rien pour t'améliorer. Ça me saoule, vraiment.

Mehdi afficha aussitôt un air sérieux sur le visage et reprit sa main dans les siennes. Cette fois, Louka se laissa faire, blasé face à ça.

- Louka, je sais que je suis horrible. Mais moi je t'ai déjà dit que je peux pas m'en empêcher.

- Tu pourrais prendre sur toi, mais tu fais juste aucun effort.

Face à ces mots, que Louka n'avait pas réfléchi avant de dire, Mehdi lâcha un rire jaune.

- Tu crois que je fais exprès de me faire détester par toi ? Je vois bien comment t'agis, je sais que t'es de plus en plus énervé par ça. Et j'ai peur qu'à cause de ça, tu ne m'aimes plus. Et quand les autres t'approchent, j'ai l'impression que tellement t'es saoulé par moi tu pourrais te laisser tenter par n'importe qui. Et ça me rend ouf. C'est un putain de cercle vicieux.

Louka le regardait débiter ses paroles sans réagir. Il ne savait pas que Mehdi se rendait compte que ça l'énervait. Et maintenant qu'il était au courant de cela, ça l'embêtait encore plus. Mehdi voyait que ça rendait Louka malheureux, mais il ne changeait rien.
Louka laissa passer quelques secondes, avant de reprendre la parole.

- Tu penses bien qu'on peut pas continuer comme ça ?

- Quoi ?

- Je t'aime Mehdi, mais là c'est juste en train de me saouler. J'en ai marre de tes crises à répétitions qui ont pas lieu d'être. Dès que je suis seul avec quelqu'un, j'ai peur que tu me vois et que tu pètes un câble. C'est pas normal.

- Louka, putain non arrête ça. Je suis sûr que je peux prendre sur moi. Qu'est-ce que...où est-ce que tu veux en venir, là ?

C'est là que son cœur se mit à battre plus vite. Louka avait déjà réfléchi à cette situation mais il n'aurait jamais pensé avoir le courage de la vivre. Maintenant qu'il y était, il se sentait plus mal que jamais. Voir Mehdi s'attacher aux simples mots pendant au bout de ses lèvres le faisaient totalement paniquer.

- Je pense qu'il faut qu'on arrête.

Les yeux de Mehdi quittèrent ceux de Louka pour aller se poser vers le bas, sur ses mains. Il avait l'air vulnérable.

- Dis pas n'importe quoi, Louka, lâcha-t-il d'une voix rauque.

Le brun ne répondit pas, il se contentait de le regarder.

- T'es en train de me quitter ? demanda Mehdi en relevant les yeux vers lui.

Ses derniers semblaient tristes, vides. Bien qu'avec les nombreuses crises qu'il faisait, Louka le voyait rarement avec un air aussi triste. Cela lui brisait le cœur de la pire manière possible.

- Tu changeras pas, et je supporte plus ça. Alors ouais, je pense que c'est mieux qu'on arrête là.

Mehdi hocha lentement la tête, prêtant attention à chaque mot qui sortait de la bouche de Louka.

- Mais on s'aime, dit-il, sonnant plus comme une question.

- Oui, mais c'est invivable.

- Il y a pas des conneries qui disent que l'amour est plus fort que tout ?

- Mehdi, arrête ça. Respecte juste ce que je suis en train de te dire, souffla-t-il en reculant légèrement, s'éloignant de lui.

Le châtain haussa les sourcils face à cet éloignement, et lâcha un rire mauvais.

- Ok. Donc je me fais larguer et je suis censé fermer ma gueule, c'est ça ?

Il avait adopté un ton froid, violent. Louka pouvait le comprendre mais il n'aimait vraiment pas le voir lui parler comme ça. Il était juste si gentil et doux avec lui que de le voir sous cet aspect lui faisait froid dans le dos.

- Putain, Louka si je suis aussi possessif et jaloux c'est parce que je t'aime, plus que tout. Et là, tu m'annonces ça. Tu veux me détruire ou quoi ?

- Je suis désolé, fut les seuls mots que Louka pu dire.

Il voyait son regard plein de haine s'adressant à lui, et il fut incapable de parler ni de bouger.
Mehdi n'attendit pas plus longtemps pour se lever. Il prit rapidement son sac et le mit sur son dos.

- Vas te faire foutre, Louka, lâcha-t-il avant de quitter la pièce.

Il l'entendis dévaler les escaliers puis plus rien. Ses mots résonnaient dans la pièce, dans sa tête. Sa voix dure et remplie de haine était toujours là.
Louka passait ses mains sur son visage en soupirant. C'était de loin la plus dure épreuve qu'il avait eu à vivre. Et évidemment sur le coup, il le regrettait. Peut-être aurait-il pu prendre sur lui ? Ou attendre, lui faire confiance quand il lui disait qu'il allait changer ? Le problème est qu'il lui avait dit tellement de fois et qu'il n'y avait jamais eu de changement.

Louka bascula en arrière, posant son dos sur le matelas, ses mains toujours sur son visage. Il ne pleurait pas, il ne pleurait jamais. Mais il n'avait pas besoin de ça pour savoir à quel point il était mal.