Chapitre 2: La route de Chanteloup

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Giorgio Volli, avant la guerre, travaillait à la fondation Roux, avec douze orphelins attardés. Il n'a jamais connu ses vrai parents, il est lui même orphelin de père et de mère. Il passe acheter des sucres d'orge pour les offrir aux douzes enfants et se dirige vers la fondation. Arrivé à l'orphelinat, il s'aperçoit que toutes les chambres sont vides. La gardienne lui explique que les enfants ont été envoyé à la montagne suite aux bombardements. Ils sont d'après elle placés dans l'orphelinat du docteur Degrâce, que l'on pourrait placer dans les Vosges ou en Haute Chartreuse. Le seul contact qu'elle ait entretenu avec eux est une relation vaguement épistolaire. Les enfants lui envoient des dessins de l'orphelinat avec des animaux qui pourraient bien ressembler à des loups... Giorgio achète un cheval et part en calèche à la recherche de cet orphelinat. Il arrive à proximité de celui-ci, en moyenne montagne en traversant un village aux rues désertes: Chanteloup. Il s'arrête devant une villageoise pour demander son chemin.

-Pardon madame, l'orphelinat du docteur Degrâce?

-A trois kilomètre, après l'église, à côté des marais.

-Merci bien.

L'orphelinat est une vieille maison bourgeoise du XIX siècle, logée à la lisière d'une forêt noire, au sommet d'une pente enneigée. Giorgio s'apprête à revoir les enfants qu'il n'a pas vu depuis quatre ans, en 1914, date à laquelle il a été mobilisé. Arrivé devant la porte de l'orphelinat, il frappe à la porte. La gouvernante vient lui ouvrir, l'air terrifiée. Giorgio se présente en tant que docteur. La femme qui lui fait face saute sur l'occasion et l'entraîne au premier étage, où Elisabeth Degrâce, la maîtresse de maison est allongée inanimée sur le lit. Le docteur Volli l'ausculte et se met rapidement à lui faire des massages cardiaques. La pauvre femme réagit de moins en moins et ne respire plus. Le docteur lui enlève alors le bandeau noir qu'elle porte autour du cou et s'aperçoit qu'elle porte une profonde marque qui lui enserre la gorge. Le docteur Volli ressort de la chambre et fait un discret signe d'impuissance à Marie, la gouvernante qui se retourne alors et reproduit le même signe à une jeune fille se situant en bas du grand escalier, elle monte l'escalier et court dans la chambre pour pleurer devant la dépouille de sa mère.

-Qui est-ce? questionna Volli.

-C'est mademoiselle Catherine, la fille de madame Degrâce.
-Je suis désolé...

Marie, la gouvernante s'approche alors de Giorgio qui demande,

-Pourquoi m'avoir parlé de diphtérie?

-Elle a étouffé toute la journée...je pensais que...

-Vous savez très bien que cette femme s'est pendu.

-Ne le dites à personne!
Elle lui explique que si les gens du village apprennent qu'elle s'est pendue, elle n'aura pas de messe et n'aura pas le droit à l'enterrement catholique. Il prometta de rester discret. Avant que Marie ne parte prévenir l'abbé Glaise, le curé du village, Giorgio lui demande si le docteur Degrâce, qui est censé s'occuper des enfants est là. Elle lui répond que non, qu'il est à Sainte-Lucie, à l'hôpital, et qu'il ne reviendra peut-être jamais.

-Les enfants sont avec lui?

-Quels enfants?
-Ceux de la fondation Roux.

-Oh, il y a longtemps qu'ils sont morts monsieur.

Et elle s'en va. Giorgio, seul dans l'escalier, reste immobile. Les douzes enfants sont morts. Lui qui voulait,sachant qu'il va mourir, retrouver l'enfance, devra s'en passer. Il lâche son paquet de sucres d'orge qui se renverse sur les marches. Paniqué, il retourne à l'étage et ouvre toutes les portes des chambres. Elles se ressemblent toutes: des lits de différentes tailles sont disposés les uns à côtés des autres, il n'y a rien d'autre, si ce n'est de vieux jouets. Arrivé au bout du couloir, il se retrouve face à Catherine devant le cadavre de sa mère. Elle se retourne, les larmes pleins les yeux, s'avance lentement vers lui, le contemple longuement, l'embrasse soudainement sur la bouche puis s'enfuit. Giorgio tentera en vain de la rappeler, tandis qu'elle court dans la nuit enneigée en direction des bois. Il faut dire que Catherine est à la limite de l'autisme. Elle fuit les gens depuis la disparition des enfants.

GiorginoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant