Chapitre 8 : la colère des femmes

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Le lendemain, c'est l'enterrement de Madame Degrâce. La dépouille est attelée au cheval de Giorgio. Marie vient le prévenir que le docteur ne viendra pas à l'enterrement de sa femme, les femmes du village l'aurait accueilli difficilement. Il ne doit signaler sa présence à personne. Sébastien lui fera quand même des signes enfantins derrière la vitre lors des recueillement. Il ira même jusqu'à faire souffler Giorgio dans une langue-de-belle-mère pendant la minute de silence. Le cortège arrive lentement devant l'église où sont rassemblées toutes les femmes du village. C'est alors que le cheval qui porte le cercueil se cabre. Héloïse, la plus vieille dit alors que si le seigneur n'en veut pas, c'est le signe qu'elle n'est pas morte en bonne chrétienne. Accompagnée de la haineuse Jeannine, elle forcera la faible Josette à révéler ce qu'elle a vu sous le tissu que la défunte avait autour du cou.

-Elle s'est pendue la Degrâce. Hein docteur?

Catherine, furieuse, s'approche alors des femmes du village.

-Attention, voilà la folle.

-Répète moi en face se que tu viens de me dire.

-Ta mère c'est pendu et tu le sais très bien. Et c'est à cause de toi.

Catherine n'hésite alors pas à lui faire voler par un soufflet la pipe qu'elle tenait entre ses dents. La bouche pleine de sang, elle réplique.

-T'es qu'une pourriture! C'est toi qui les a noyés les gosses. Et c'est ton père qui a pris à ta place. T'es qu'une pauvre folle!

Catherine lui envoie alors un grand coup de pied dans la jambe. Héloïse s'écroule, rattrapée par ses amies dont Jeannine et Harmelle. Catherine se dirige alors vers l'église et lance aux femmes.

-Alors comme ça vous voulez m'empêcher d'enterrer ma mère.

Elle entre alors à l'intérieur, suivie par une femme du village. Héloïse, à terre, fait remarquer que Catherine lui a éclaté une varice. La femme ressort de l'église.

-Elle a soufflé les cierges! Tous les cierges!

En effet, il ne reste qu'une flamme parmi les bougies qui étaient censées sauvegarder les hommes du village au combat. Les femmes du village entrent alors toutes dans l'église et s'acharnent sur Catherine que Giorgio retrouvera quelques minutes plus tard en sang. Une mèche de cheveux aura même été arrachée par Jeannine. L'abbé, en colère contre les femmes, leur crie de remercier Dieu que leurs maris et enfants n'aient pas été la pour voir ça. Avec tout ce remue-ménage, la tête en plâtre du Christ est alors tombée...Giorgio restera seul à l'enterrement de Madame Degrâce après que Marie ait raccompagné Catherine à l'orphelinat. L'abbé Glaise lui conseillera de partir vivement, lui disant qu'il n'a plus rien à faire ici. Il lui demande aussi d'emmener Catherine à Sainte-Lucie. Selon lui, si elle reste, les femmes vont la tuer. Giorgio repartira a pied, dans les chemins enneigés, croissant une vision à mi-chemin entre la réalité et l'onirisme: une très vieille dame vêtu de noir conduit une calèche. A l'arrière de cette calèche se trouve l'enfant handicapé que Giorgio avait croisé en allant à Sainte-Lucie. La très vieille dame sur la calèche symbolise ici la mort. La mort ne fait que passer, sans frapper, portant derrière elle cette troublante vision de l'enfance défigurée.

GiorginoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant