[— Non, ça ne me dérange pas. Pas du tout, annonce-t-elle.]
***
Son ton calme et décisif m'emplit d'une quiétude que je n'ai pas ressentie depuis longtemps. Je me perds dans ce sentiment quelques secondes. C'est la première fois depuis des mois, non depuis des années, même des siècles, depuis bien avant Praimfaya, que j'ai l'impression qu'elle ne va pas me tourner le dos et s'enfuir. La voix de Clarke me ramène sur terre :
— Bellamy ?
Je hume en lui accordant mon attention.
— Je vais avoir besoin de ma main gauche pour ça.
Je réalise à cet instant que mes doigts n'ont pas quitté sa peau et que ma prise sur son poignet est de fer. Je la lâche presque à contrecœur et murmure :
— Désolé.
Elle sourit et répond un vague :
— Il n'y a pas de mal.
Elle penche sa tête, ôte le tissu de mon cou pour observer la plaie. Son état a visiblement l'air de lui convenir à la façon dont le pli de son front disparait. Je me décale lorsqu'elle s'approche de l'évier pour y rincer la serviette et l'observe tandis qu'elle lave méticuleusement le couteau. Elle croise mon regard dans le miroir et je n'ai pas le temps d'effacer l'expression amusée de mon visage avant qu'elle ne la surprenne et me demande :
— Quoi ?
Je ne peux empêcher le sourire qui étire mes lèvres. Je sais que si elle le pouvait, Clarke stériliserait sûrement cette lame avant de l'utiliser à nouveau sur ma peau.
— Ce n'est qu'un rasage, pas une opération à cœur ouvert.
— Les vieux réflexes ont la vie dure.
Ses mots résonnent en moi. Les vieux réflexes ont la vie dure. Est-ce pour cela que j'ai toujours l'impression d'être attiré vers elle, comme du métal par un aimant, comme un poids par la gravité. Est-ce pour cette raison que je me sens naturellement heureux en sa présence ? Sans même qu'elle n'ait rien dit, ni fait ? Juste le simple fait qu'elle soit là ?
— Tu n'allais pas utiliser de mousse ? demande-t-elle, le reproche sous-jacent dans sa voix.
— Pas vraiment.
Elle lève les yeux au ciel et mon cœur s'allège encore un peu devant cette vision familière. Je la regarde farfouiller dans le placard sous l'évier et en sortir un petit bloc de savon noir, une spécialité signée Jordan Green qui se révèle chaque jour plus utile, véritable mélange des meilleurs atouts de ses parents.
Puis, je l'observe se laver les mains, humidifier le savon et créer de la mousse en frottant ses paumes entre elles, concentrée.
Encore une fois, elle croise mon regard dans le miroir en relevant la tête :
— Quoi ? interroge-t-elle à nouveau en souriant timidement.
J'ai envie de lui dire qu'elle est magnifique dans la lumière de cette fin de matinée. Que je ne pourrai jamais me lasser de cette vision d'elle dans ma salle de bain, d'elle dans ma maison. Que je veux la garder ici pour toujours.
Je me contente d'un :
— Rien. Tu m'as manqué.
Son sourire s'estompe, mais je ne regrette pas mes derniers mots. J'ai besoin qu'elle sache à quel point elle compte pour moi. A quel point je ne peux me passer d'elle. Clarke ne répond rien et se contente de me faire face devant l'évier qu'elle a rempli d'eau. Elle lève ses mains pleines de savon devant mon visage et demande :
— Je peux ?
Je hoche la tête et la laisse poser ses paumes sur ma peau, imbiber ma barbe de mousse blanche et parfumée. Ses doigts glissent sur la peau de mes joues, de pommettes, de mes tempes, puis autour de mes lèvres et le long de mon cou et je frissonne en retenant un soupir.
Encore une fois, elle prend ma réaction pour de la douleur et s'excuse à mi-voix.
— Pardon, j'essaie d'éviter la blessure, mais c'est normal que ça pique un peu.
— Ce n'est pas de la douleur, Princesse. Crois-moi.
Mon murmure est si faible que j'ignore si elle m'a entendu. En tout cas, elle n'en laisse rien paraître, tourne la tête et se penche pour attraper le couteau, qu'elle trempe dans l'eau avant de le porter à mon visage. L'hésitation que je vois dans ses yeux me surprend, mais je reste immobile jusqu'à ce qu'elle me demande :
— Est-ce que tu peux t'asseoir ? Tu es un peu grand pour moi.
Je souris en répondant :
— Je ne crois pas t'avoir entendu te plaindre de notre différence de taille auparavant.
Bien qu'elle soit effectivement plus petite que moi, Clarke a toujours semblé trouver la hauteur nécessaire pour tenter de remporter nos disputes. Je n'y avais jamais fait attention, avais toujours eu l'impression qu'elle arrivait à porter son regard directement dans le mien lors de nos arguments les plus furieux. Je n'ai jamais eu le sentiment de baisser la tête pour la regarder, comme je n'ai jamais eu l'impression de la voir lever les yeux pour m'observer.
J'obéis néanmoins et m'appuie sur le rebord de l'évier. Nous sommes ainsi à la même hauteur lorsqu'elle répond :
— Eh bien, nous n'avons jamais fait ce genre de choses auparavant.
La vérité qui se cache derrière cette unique phrase m'étourdit un instant.
Je repense à tous les moments que nous avons partagés, ces mêmes moments pendant lesquels nous avons appris à nous connaître et nous apprécier, ces mêmes moments où la jeune femme s'est gravée tellement profondément à l'intérieur de moi que je suis désormais incapable de la laisser s'effacer.
Comme un tatouage qu'on ne peut pas estomper.
Une cicatrice avec laquelle on apprend à vivre.
Clarke a laissé sa marque en moi, mais jamais, non jamais, en partageant des instants si simples et désuets. L'injustice de notre passé commun est une blessure si douloureuse que je ne sais pas si je serai capable de m'en remettre un jour. Pourtant, j'arrive à jouer la légèreté en demandant, moqueur :
— As-tu au moins déjà fait ça, auparavant ?
Je n'ai pas pu m'empêcher de noter le léger tremblement de sa main gauche sur le manche du couteau. La manière dont elle hésite à appliquer la lame sur ma peau. La façon dont ses yeux parcourent mon visage sans jamais sembler décider par où commencer.
— En vérité, oui.
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Ma Lame sur ta Peau
FanfictionComment Bellamy et Clarke apprennent que toutes les lames ne sont pas faites pour blesser. *** Attention : SMUT // scènes explicites classées X*** *****bande de coquins***** J'en profite pour ajouter qu'il s'agit d'une des premières fics que j'ai éc...