Sous les néons (Tome 1)

CHAPITRE 1 : Difficultés

Présent

    J'ai choisi l'art. C'est le moyen le plus sûr de transmettre ses pensées sans vraiment les prononcer à voix haute. Du moins c'est ce que je pense. Au cour de ma vie j'ai eu à m'exprimer, mais parfois j'ai dû me contraindre à la fermer. Aujourd'hui, je mêle les deux en ne me laissant aller qu'à travers ma passion, qui sont les arts-plastiques. Me servir simplement de mes gestes, de mes émotions et de mes pinceaux pour exprimer bon nombres de mes douleurs me semble être la solution la plus judicieuse en réponse à mes souffrances.

    Actuellement je travaille sur la représentation d'une femme. Une femme forte et indépendante que je créée sur mon carnet de croquis muni de ma palette d'aquarelle. Je me laisse submerger par les couleurs criardes afin d'accentuer mon idée première, et n'hésite pas une seule seconde à forcer sur mon pinceau pour appuyer les émotions. Le dessin est une chose, mais la gestuelle est elle aussi tout aussi importante. Si je travaillais sans y mettre mon âme tout entière, tout ceci n'aurait aucun sens, aucune importance.

    Je mentirai si en réalité je n'essayais pas de persuader mon être intérieur que c'est ce que je suis en réalité. Inconsciemment sans que je ne m'en rende compte réellement, je tente de m'insérer dans la tête un genre d'autoportrait un peu amélioré. Aujourd'hui je suis plus forte qu'hier, mais bien moins que demain alors me soulager par des leurres me semble être un bon antidote. C'est ce que j'ose penser car je me surestime beaucoup trop à mon goût, mais c'est ce qui me maintient présente dans ce monde sombre et cruel, du moins pour le moment. Je m'accroche à un fil de ma vie sans vraiment avoir l'impression de détenir un quelconque gilet de sauvetage si je venais à chuter pour jamais ne pouvoir me relever. Il n'y aura personne pour me tendre une main, pourquoi y croire encore aujourd'hui après tant de déceptions ? Je sais que si je veux survivre dans ce monde hypocrite et sans valeur, seule moi même peut y parvenir, et c'est seulement en m'accrochant de toute mes forces que je pourrais mener à bien cette mission des plus douloureuses.

    Ma vie est complètement éteinte, et aujourd'hui particulièrement. Mes gestes et mes déplacements sont comme machinaux. Je répète les mêmes étapes chaque jours, et cela à un point que je ne sais plus pourquoi j'avance. Pourtant je continue et sans trop chercher à comprendre pourquoi j'ai encore la force de poursuivre tout ça. Parfois j'en arrive même à me questionner sur le comment je suis parvenu à rentrer chez moi saine et sauve alors que je n'ai pas porté attention une seule seconde aux voitures qui m'ont probablement laissées passer. Je suis si étouffée par mes maux que je n'agis même plus de mon plein grés.

    Je marche dans la rue sans même remarquer les gens autour de moi, ils sont tous beaucoup trop « heureux » pour que je sois capable de les regarder dans les yeux. De la jalousie ? Je ne m'en cache pas. Mais après tout, me remarqueraient-ils eux en retour si j'osais les faire entrer dans mon champ de vision ? Verraient-ils les larmes aux coins de mes yeux que je me force à garder pour moi un peu plus chaque jours ?... Personne jusque-là n'a été capable de se rendre compte de quoi que ce soit, pourquoi des inconnus aussi simple que eux seraient en capacité de remarquer l'ensemble de ces choses qui semble faire partie intégrante de moi ? La plupart sont tellement méprisants envers ce que je suis. Ils jugent facilement et te diront que pour aller bien il te suffit de tirer un coup ou bien de prendre une bonne cuite dans le bar du coin. Foutaise !

    J'ai toujours en tête l'objectif de me sortir de cette boucle infernal, même si ça prend du temps je n'ai plus le choix.

    Alors que je poursuis ma route parmi des fantômes, une présence dans mon dos prend forme et tandis que j'espère avoir seulement une hallucination, je sens qu'elle m'attrape l'épaule de manière ferme et insistante. Je sursaute sans grande discrétion et me retourne toujours sur mes gardes. Les contacts humains comme ceux-là me donnent facilement le tournis, surtout quand je n'y suis pas préparée psychologiquement.