Sous les néons (Tome 1)

CHAPITRE 6 : Déréliction

Présent

Un peu plus d'une semaine s'est écoulée. Sept jours bercés comme d'habitude par les cours, la fatigue et plus particulièrement par la solitude... Cette incessante sensation d'être seule au monde et d'être cruellement abîmé, me ronge de l'intérieur. Comme quoi, il n'y a toujours rien de nouveau dans la superbe vie de Cora Malau. Moi qui ai osé croire que l'étape changement était enfin enclenchée. Qu'elle belle idiote je suis. Pathétique. 

Je n'ai pas recontacté Anton —Pourquoi l'aurais-je fais après tout ?—, et Charline ne m'a pas donné signe de vie non plus, depuis notre petite sortie toutes les deux. Sans doute que je me faisais de fausse idées... Je suppose qu'elle m'a proposé ça pour être polie. Ou peut-être qu'elle a seulement mal enregistrée mon numéro, mais je n'y crois que très peu. Je me suis assez menti à moi même, et il est hors de question que cela continue. Je ne peux qu'accepter mon sort puisque il semble que j'étais vouée à celui-ci. J'imagine qu'à la seconde où nous nous sommes quittées, elle a dû comprendre la fille ennuyante que j'étais et à quel point je ferais tâche dans le décor de sa vie parfaite, de mon point de vu. J'aurais dû me douter de tout ça, à la seconde même où j'ai eu l'impression que j'aurais eu le droit à une tout autre fin pour ma vie. Après tant d'années, je me demande si je ne suis pas masochiste d'y croire encore. Sans cesse à espérer, et pour une fois j'ai eu la sensation de toucher du bout des doigts ce qu'est en réalité le bonheur. Le simple, le vrai. Je me surprend à m'identifier à un enfant devant une vitrine, où serait exposé le jouet de ses rêves ; et dont les parents refuseraient catégoriquement de le lui acheter.

J'ai toujours eu du mal à me faire des amis, alors pourquoi cela changerait maintenant ? Je crois que la vie s'est bien décidée à m'abattre sans relâche. Si je ne suis pas son punching-ball préféré alors je ne comprendrais plus rien. N'aurais-je donc aucun moment de paix ? Suis-je une personne si mauvaise pour mériter un tel châtiment ? Si seulement je savais comment inverser la donne...

Passé

J'ai huit ans, je suis une fille comme les autres. J'aime les poupées, les dessins animés et manger des pâtes au ketchup avec beaucoup, vraiment beaucoup de ketchup...

Je suis une enfant comme les autres en apparence, mais c'est l'heure de la récréation et je suis assise sur un banc à regarder les autres jouer entre eux et s'amuser. Ils ne semblent pas me voir, enfin peut-être qu'ils ne le veulent tout simplement pas. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est comme cela le plus souvent... On vient me chercher seulement quand on a besoin d'une personne en plus, afin de créer des équipes équitables. Ou quand les maîtres et les maîtresse les obligent à m'intégrer... Une enfant seule qui s'ennuie et qui se trouve être incapable de s'amuser comme les autres, cela fait bizarre dans le décor enfantin et joyeux d'une école primaire.

Lorsque j'ai assez de cran pour m'imposer et jouer avec eux, j'ai assez souvent affaire à des :

-Attend Cora, on doit parler en privé.

J'ai huit ans et je suis naïve... J'espère toujours me faire de fausses idées et qu'au fond, elles ne sont pas en train de parler de moi. Mais de quoi pourraient-elles parler d'autre ? Qu'est ce qui serait plus intéressant que le fait de me repousser continuellement ?

Le soir, lorsque je vais me coucher ; je m'imagine entourée d'enfants qui voudraient réellement s'amuser à mes côtés. Je serais alors une d'une compagnie agréable et une partenaire de jeu exemplaire. Les images dans ma tête défilent avec une fluidité naturelle, à tel point que je souhaiterai qu'il soit aussi facile de vivre de cette façon. Mon imagination débordante malgré mon jeune âge permet d'apaiser mes maux, et c'est dans ces moments là que je ressens une sensation de bien-être. Une sensation à laquelle je suis si peu habituée. Cela malgré mon peu de maturité et de vécu. Ces quelques temps à rêver, se trouvent être l'unique moment où mes larmes ne menacent pas de se déverser sur mes joues, tel un torrent infernal. C'est le seul instant où je peux rêver d'appartenir à un groupe et d'y être un membre à part entière.