Chapitre 1.

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Pour comprendre comment ce mal qui me ronge est arrivé, il faut remonter à ce fameux 14 mars 2008. Le jour qui pour moi peut être qualifié de pire jour de ma vie. Vous voulez réellement savoir pourquoi ? La raison est simple. Un décès. Oui, moi qui dit ne pas avoir peur de mourir, mon cœur à subit à cause d'une mort. Mais pas n'importe laquelle... Mon cœur souffre car mon esprit souffre aussi. Tous deux souffrent du manque d'un ange, d'une princesse partie trop tôt. Pourquoi nous a-t-elle quittée ? Tout simplement parce que c'était son heure. Mais moi, mon cœur ne l'a pas pris comme ça. Pour lui, c'est un abandon. Purement et simplement.

Alors j'ai cherché un coupable, pendant longtemps. Mais qui est ce qu'on peut accuser quand c'est la maladie qui vole nos enfants, nos parents, nos frères, nos sœurs... ? Personne ! On ne peut que prendre sur soi-même. Mais j'étais jeune... Prendre sur moi ? Impossible. Je ne pouvais pas fermer les yeux face à ce décès... Je ne pouvais en vouloir à personne et personne ne pouvait me sortir du gouffre dans lequel je m'enfonçais. Seule. Oui, j'étais seule. J'étais jeune mais je me sentais si seule. Abandonnée. Personne ne comprenait mon changement de comportement. J'ai toujours eu le sourire. Et du jour au lendemain... Plus rien. Comment vivre quand on se voit sombrer ?

J'ai mis quelque temps à m'en remettre. En apparence. J'avais compris que je devais faire semblant. Alors j'ai fait semblant. J'ai fait semblant de vivre. J'ai fait semblant de vivre car j'avais pris conscience que la mort frapperait tôt ou tard. La mort... Chaque jour, j'avais l'impression de sentir son ombre au-dessus de ma tête. Me disant chaque jour que moi aussi j'aurais pu partir... Alors j'attendais mon heure. J'étais jeune aussi, mais j'attendais la mort. En écrivant ces mots je me rends compte de la gravité de la situation. On attend la mort quand on a vécu, pas quand on apprend la vie. Moi, pourtant, je l'attendais... Aujourd'hui je l'attends toujours, la différence c'est que je sais qu'elle est imminente. Elle peut venir me faucher maintenant alors que j'écris ces quelques lignes, qui sait ?

Après cet événement, régulièrement, je sentais des douleurs dans la poitrine. Mais je n'y prêtais pas attention. Lorsque je faisais du sport je m'essoufflais de plus en plus vite. Mais je ne m'alarmais pas. Mes professeurs me demandaient toujours d'aller voir le médecin. Mais je m'étais forgé une carapace. Je les envoyais balader. Parce que j'avais peur. J'avais peur qu'on m'interdise de faire du sport. Alors que le sport était mon seul moyen d'évacuer. Je courrais à n'en plus pouvoir. Mais je finissais par ne plus penser. Je n'étais plus maître de moi-même et ça me plaisait. Cette sensation de vide intérieur me plaisait. C'était le seul moyen que j'avais pour extérioriser. Extérioriser ma peine et ma haine. Pourquoi cette haine ? Et une haine contre quoi ? Eh bien, la haine que j'avais contre moi-même car un ange avait rejoint les étoiles alors que moi j'étais encore ici-bas. Vous avez dit folle ? Oui, je le devenais de plus en plus, chaque jour qui passait...

Cette solitude qui me pesait au début, devenait mon compagnon de route au fur et à mesure. Tant et si bien, que je ne parlais presque plus en cours. Les profs avaient remarqué mon changement de comportement et ne s'en plaignaient que très rarement.

*****

Voilà comment mon cœur a commencé à souffrir. Mais ce n'était qu'un début car, comme je l'ai dit précédemment, j'intériorisais tout. La solitude était ma seule vraie amie. C'est à cette même période que je suis devenue insomniaque. Passant des heures et des heures à tourner dans mon lit ou regarder mon plafond. Le sommeil ne venait pas. Impossible. Impossible de dormir. Impossible d'arrêter de penser. A quoi je pensais ? Je n'en sais rien moi-même. Mais mon esprit était occupé, je dirais même préoccupé. Alors chaque matin je me levais quand mon réveil sonnait sans avoir fermé l'œil de la nuit. Les jours et les nuits passaient et se ressemblaient. Tout ce qui avait changé c'était moi. M'enfermant dans un mutisme sidérant. Je faisais peur à voir. Mes cernes se dessinaient, mes joues se creusaient... Je n'avais plus rien pour me retenir. Et pourtant. Je faisais semblant. Oui, je continuais à faire semblant de rire quand rien n'était drôle. Je faisais semblant de vivre pendant que la mort brouillait ma vue.

A force de faire semblant, j'ai réussi à me mentir à moi-même. Je réussissais à me faire croire que j'aimais la vie alors qu'en moi, je savais que je préférais la mort. Mais je voulais qu'on me croie forte, souriante. Aimante ? Oui, même aimante. Pourtant, je me voilais la face, et une voix que j'essayais de faire taire, en vain, me le rappelait chaque jour. Le volume de cette voix diminuait au fur et à mesure que mon 'rire' éclatait. Mon rire prenait de l'ampleur à l'extérieur, face au monde. Pendant que mes larmes ne savaient plus où couler mis à part sur mon oreiller. Chaque nuit, n'arrivant pas à dormir, je pleurais. Je ne savais plus pourquoi mais je pleurais à m'en bruler les yeux. Mon cœur brulait aussi à cause de toutes ces larmes versées.

Il était endommagé. Légèrement encore. Il aurait pu être réparé. Mais je pensais que cette douleur venait de mon état alors je me suis tue. Encore et toujours. Pourquoi aurais-je parlé ? Je n'avais même pas de mot pour décrire mon état. Alors je me suis tue. Prenant sur moi. Chaque jour, chaque heure, la douleur était là. Mais je ne disais rien, je réapprenais à vivre. Le temps passe mais la douleur est toujours là. Pourquoi ? C'était la question que je me posais. Je souffrais toujours du manque, mais le deuil était fait. Pourtant la douleur était toujours présente. Je n'ai jamais aimé aller chez le médecin, donc je n'ai jamais parlé de mon état autour de moi... J'ai pris, une fois de plus, mon mal en patience. On dit que « la patience est une vertu ». Donc je n'ai rien dis. Laissant le temps faire, laissant le temps empirer les choses.

Les années sont passées, d'autres décès ont suivis. Mon cœur, quant à lui, n'a pas suivi. Il s'affaiblissait à chaque épreuve tout comme mon moral. Les nuits ? Je ne sais plus ce que cela signifie. Et aujourd'hui encore, je ne dors pas, ou je dors mal. Donc oui, mon cœur souffrait. Mais je ne disais rien. Et les crises s'accentuaient mais je m'isolais souvent pour me calmer. Personne ne devait connaitre ma faiblesse. Jamais. J'ai alors continué à patienter. J'avais le choix. D'un côté j'attendais que mon cœur guérisse seul. D'un autre côté, j'attendais que la mort vienne me soulager.

Jusqu'au jour où je n'ai plus pu faire semblant...

Quand le cœur est mis à prix...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant