Chapitre 5.

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Discrètement je me pinçais. Non, je ne rêvais pas. Il était bel et bien face à moi. Mille et une questions passaient par mon esprit. Je me suis surprise à être curieuse. Je voulais savoir pourquoi était-il entré puis sorti de ma vie si vite... Mais je n'eus pas le temps de dire quoi que ce soit qu'il prit la feuille que je n'avais pas rangé. Je me suis mis à angoisser. Je ne voulais pas qu'il sache... Mais il était trop tard...

- Maintenant que je suis là, tu vas tout m'expliquer... J'ai tout mon temps. Promis,je parlerai après et surtout, je t'écouterai sans te couper...

Et si moi, je n'avais pas envie de parler ? Il y avait pensé à ça ? Non bien sûr que non. Monsieur revenait comme une fleur. Comme s'il n'était jamais parti. Et il voulait que je lui raconte tout. Alors que je ne le connaissais pas. Et puis j'ai réfléchi. Il avait déjà lu mes pensées, mon secret. Il savait déjà une partie de ce qui me faisait pleurer. Je ne perdais rien à lui raconter la suite. Mais je ne sais pas pourquoi quelque chose me bloquait. Je n'avais rien à perdre à tout lui dire. Mais j'étais un peu angoissée à l'idée d'en parler à quelqu'un. Je ne savais pas comment il allait réagir. Et s'il se moquait de moi ? Et si finalement j'exagérais la situation ? Et s'il ne voyait pas pourquoi j'étais si mal ? Mais j'avais besoin de parler. Alors j'ai pris mon courage à deux mains et je me suis lancée en regardant droit devant moi. Je n'osais pas, je ne voulais pas croiser son regard.

- Comme t'as pu le lire, j'ai perdu ma cousine il y a cinq ans. Cinq longues années. Elle avait quatre ans et demi. Aujourd'hui, elle aurait dû en avoir neuf. Elle n'avait rien vécu. Elle ne connaissait rien de la vie. Mais elle est partie. Elle est plus là. Aujourd'hui je vois son départ comme un abandon. Elle m'a abandonnée dans ce monde de fou. Elle m'a laissée seule. Je dois combattre le monde sans elle. Ne te moque pas. Ce n'était pas une enfant comme les autres. Elle comprenait tout. Elle était toujours là pour me faire sourire. J'avais besoin de rien dans ma vie à part elle. Et puis elle est partie. Je n'ai pas pu lui dire au revoir. Je m'en veux. Je m'en veux parce qu'elle a toujours su être là pour moi. Moi je n'ai pas été là pour elle. Elle avait besoin de moi putain de bordel de merde. Mais non, je n'étais pas là. Je ne sais même pas ce que je faisais à ce moment-là. Mais ce n'était pas important. Rien n'était plus important qu'elle. Pour elle j'aurais donné ma vie. Mais je n'ai pas eu le choix. J'ai dû accepter sa mort.

Même quand je le dis aujourd'hui, j'ai du mal à en prendre conscience. J'ai du mal à me rendre compte de la situation. T'imagine, quand je vais chez elle, j'entends encore son rire. Parfois j'oublie. Même cinq ans après il m'arrive d'oublier. Alors je la cherche. Mais nan. Elle n'est plus là. J'ai du mal à me rentrer ça dans le crâne je ne comprends pas pourquoi. Bref. Après sa mort, j'ai connu une période difficile. Je n'en suis jamais réellement sortie en fait. Même si j'ai longtemps cru que c'était le cas. J'ai appris à faire semblant. Et puis j'ai appris à me voiler la face surtout. J'avais des œillères depuis son départ. C'était le seul moyen que j'avais de réussir à vivre. A survivre plutôt. Après ce décès, j'en ai connu d'autres. Comme tout le monde je pense. Mais chacun d'eux m'enfonçaient un peu plus. Je me suis enfoncée dans un mutisme profond. Je ne parlais plus à personne. Je me suis mis tout le monde à dos. J'avais plus d'ami. Je n'en ai toujours pas d'ailleurs. Mais j'en cherche plus. J'ai compris que ce n'était pas de vrais amis. Un ami, il est là quand t'as besoin de lui. Il est là quand t'es heureux. Mais il est aussi là quand t'es triste. Moi j'étais là pour eux. Quand ils avaient des problèmes de cœur, j'étais là pour les aider et les soutenir. Mais aucun n'a jamais cherché à savoir ce que j'avais. Personne n'a jamais cherché plus loin que mes pseudos « ça va merci ».

Et puis, tout s'est accéléré le jour où on s'est rencontré pour la première fois. Tu sais, je suis arrivée dans ce parc un peu par hasard. Je n'étais jamais venue avant. C'est mes pas qui m'ont dirigé vers ce parc. Enfin, c'est plutôt Allah je pense. Parce que je ne crois pas au hasard. Je pense que c'est Dieu qui t'a mis sur mon chemin pour m'aider. Bref. En fait, j'ai appris que j'avais une maladie. Je suis malade du cœur. Comme ma cousine. Ce petit ange était malade et c'est à cause de ça qu'elle s'en est allé. C'est pour ça que je pleurais. Enfin, pas exactement, parce que je n'ai pas peur de mourir concrètement. Ça ne me fait rien de me dire que je peux m'en aller là maintenant en te parlant. De toute façon, on est tous destiné à partir un jour où l'autre. Personne n'est éternel. Personne n'est immortel. Ce qui m'a rendu triste c'est que je me suis rendu compte que c'est la maladie de ma cousine qui m'avait infectée. C'est bête mais voilà. Finalement, je me suis laissé aller. Et puis je suis dans cet état à chaque fois que je pense à elle. C'est-à-dire très souvent. Tellement que je pense plus à la mort qu'à la vie...

Quand le cœur est mis à prix...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant