Jérémy : Deauville, avril 1995

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« - Tu ne veux pas qu'on rentre à l'hôtel, Jérémy ? Il y a vraiment beaucoup de vent. Mes cheveux sont en train de s'emmêler complétement !

- Allez, Florence, on vient de passer quasiment deux jours au lit. On marche encore un peu le long des planches ? Encore un petit quart d'heure, d'accord ? La mer est magnifique, non ? Regarde cette couleur indéfinissable entre le bleu, le gris et le vert. Et je voudrais te montrer l'autre bout de la plage. C'est près de la marina que je faisais du karting quand j'étais petit. Il faut aussi que tu voies le mini-golf et le club équestre.

- Dix minutes, pas plus. Je commence à être frigorifiée.

- Je peux te passer ma veste si tu veux. Le soleil commence à percer à travers les nuages. Regarde comme la lumière est belle ! »

Jérémy enlève sa veste et la pose sur les épaules de la jolie jeune femme qui est à son bras. Il aime son rôle de gentleman attentionné. Florence a tout pour lui plaire. Elle est grande, mince, le visage long et affirmé. Sa chevelure abondante, rousse et frisée, retenue par un simple ruban, lui donne l'allure d'une élégante tigresse. Les robes qu'elle porte sont toujours près du corps et ses bottes soulignent la longueur de ses jambes. C'est la première fois qu'il part en week-end avec une petite amie. C'est lui qui a payé le train et l'hôtel pour trois nuits et quatre jours d'amour. Il a pris sur ses petites économies constituées d'année en année par les cadeaux de tantes, grand-mères et grand-tantes. Il n'a pas hésité à payer car Florence est la femme idéale. C'est la bonne. Il le sait. Il le sent. Il a à peine vingt ans mais il est prêt à s'engager. Il attendra sûrement de finir ses études avant de se marier. Il veut une bonne situation quand ses enfants viendront au monde. Mais il se pourrait bien qu'il se fiance dès cette année. Florence ne lui dira pas non. Il sait qu'il est le premier homme dans sa vie. La veille du départ pour Deauville, sa mère Claudie est venue lui parler avec solennité :

« - Mon fils, c'était la mère de Florence au téléphone. Elle a été très claire. Ce dont sa fille s'apprête à te faire cadeau ce week-end, elle ne pourra pas le donner à un autre homme ensuite. Tu me comprends, n'est-ce pas, mon fils ? Tu seras gentil, d'accord ?

- Maman, je suis toujours gentil. Mais qu'est-ce que la mère de Florence sait de sa fille, d'abord ? »

Vu comment Florence s'est donnée à lui à l'hôtel, vu comment ils ont fait l'amour à toute heure pendant deux jours, il est maintenant certain que la mère n'avait aucune idée de la vie intime de sa fille.

« - Ah, mon fils, cette maman a l'air d'être bien au courant. Elle a l'air d'en savoir plus que moi sur toi, en tout cas.

- Mais je te dis toujours tout, maman chérie. »

Il suffisait qu'il prenne son ton doux et malicieux pour que sa mère sourie et le laisse tranquille. Il y excellait depuis tout petit quand il avait compris que tout ce qu'il suffisait pour avoir la paix, c'était de dire oui à tout ce que ses parents lui demandaient et de faire ensuite ce qui lui plaisait. La seule fois où il avait vraiment écouté sa mère et avait accepté de changer son comportement de manière radicale, c'était quand il avait quinze ans et demi. Sa mère avait raison : à cette époque, il ne se concentrait pas assez sur son travail scolaire. Il faisait le mariole avec ses copains, il aimait se rendre intéressant, il sortait en boîte et rentrait tard. Sa mère l'avait pris entre quatre yeux au salon. Une fois n'était pas coutume, elle s'était adressée à lui avec sévérité :

« - Bon, mon fils, là, je ne plaisante plus. J'en ai parlé avec ton père. Tu dois te reprendre. Tu vas rentrer en classe de 1ère S l'an prochain. Les choses sérieuses commencent. Il faut te concentrer sur ton travail, et uniquement sur ton travail. Tu arrêtes de faire le clown et de partir en virée avec tes soi-disant copains.

LES LASSERY (vol. 2) Votre mari est un salaudOù les histoires vivent. Découvrez maintenant