Amanda Lee [tomes 1&2]

(9) Evasion

JE NE PEUX PAS LÂCHER DES YEUX le petit objet que Mr Lane fait glisser entre ses doigts. Pour la simple et bonne raison qu'il n'est pas censé se trouver là. La clef numérique de Dean est supposée être soigneusement cachée, à l'intérieur même de mon matelas.

Il m'adresse un sourire aimable.

— Installez-vous, je vous en prie, claironne-t-il comme si de rien était.

Son regard ne trompe pas néanmoins. Dur et froid. Il est déterminé à me soustraire la vérité. À contrecœur, je m'assois face à lui et décide d'attendre.

— J'imagine que vous avez compris pourquoi je vous ai demandé à mon bureau, lance-t-il.

— Pas vraiment, réponds-je.

Il se penche par dessus le bureau en chêne massif.

— Vraiment ? Voyons Amanda, vous êtes une jeune femme intelligente. Réfléchissez-mieux.

Je soutiens son regard glaçant à travers ses lunettes rondes. Je repense à Madison, et la traque qu'il opère pour l'éliminer juste parce qu'elle en sait trop sur le protocole TALIS. S'il savait ce que Noah m'avait dit, me tuerait-il aussi ? Pour la première fois, il m'inspire de la crainte. Le genre de peur que l'on éprouve face à un fou ou à un prédateur. Parce qu'on sait déjà qu'il n'y a aucun moyen de le résonner : l'un en est incapable, l'autre est aveuglé par son instinct de chasseur.

Néanmoins, je ravale mon angoisse et me permets même un petit sourire décontenancée. Parce que montrer mon état d'esprit en ce moment précis ne ferait que me précipiter au bord du gouffre.

— Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.

Il se redresse pour s'adosser à son fauteuil.

— Je vois, murmure-t-il.

Il baisse les yeux vers ses mains et se met à observer consciencieusement le petit objet.

— N'est-ce pas plus simple, mademoiselle Lee, de ne pas savoir ? Une fois que vous savez, il est difficile d'oublier. Et lorsque l'on sait, il faut savoir quoi faire de ces informations.

Son sourire se fige.

— Vous n'êtes ni l'héroïne d'un film policier, ni enquêtrice. Pourquoi ce besoin absolu de venir fouiner ?

À ce dernier mot, il rabat brusquement la clef sur la table. Elle s'écrase dans un bruit plat. Je fais de mon mieux pour ne pas céder à mon envie de fermer les yeux. Soutenir son regard glacial me donne une impression d'engouement,

— Mais vous savez quoi ? Moi, je vais vous donner une chance d'oublier. Je vous donne la chance de réparer cette erreur abominable. N'est-ce pas fantastique ?

Il dodeline de la tête tout en haussant les sourcils d'un air concerné. Si je ne savais pas qui il était, j'aurais sûrement cru qu'il se sentait réellement préoccupé par ma cause.