Amanda Lee [tomes 1&2]

(16) La fourmilière

DOREEN N'AURAIT PAS PU mieux nous décrire le lieu hallucinant dans lequel nous débarquons. Parce qu'il n'y a pas d'autre mot que le sien pour le qualifier. C'est bien une véritable « fourmilière ».

Je ne sais pas exactement où nous avons atterrit, ni pourquoi toutes ces personnes semblent affairées. Une sourde rumeur gronde en arrière plan, comme le prémice de quelque chose d'important. Elle est alimentée par les hélements des gens, les discussions, les bruits de clef à molette qui fracassent le sol, les « pardon, excusez-moi » débités à tout bout de champ, les rires forts... Ce lieu est une sorte d'atelier géant, où ils construisent je ne sais quoi. J'aperçois des caisses d'armes, des énormes paniers circulants, semblant comporter des draps ou du linge, des caisses de provision, mais aussi des boîtes de munition.

Je suis Tobias, ne perdant pas de vue son dos. Pour la première fois, je remarque ses épaules musclées. Sa silhouette semble se déplacer avec aisance ici. À plusieurs reprises, il effectue des signes de tête à plusieurs personnes. Si elles lui renvoient un sourire lumineux, leur visages se figent à notre vue, et elles se contentent de nous défigurer avec, parfois, curiosité, mais aussi méfiance. Je m'interroge sur son identité. Quel est sa place dans la hiérarchie de ce lieu étrange ? Malgré son jeune âge, il a l'air plutôt respecté ici.

Je me retourne pour m'assurer que Lana et Alma sont toujours derrière avant d'heurter un homme qui ne décélère pas pour autant. Après l'avoir suivit du regard, je rattrape Tobias.

       — C'est quoi cet endroit ? demandé-je.

Il tourne la tête à moitié, ne prenant même pas la peine de me regarder.

      — C'est le repère de notre organisation secrète. Les gens - comme Doreen - aiment bien l'appeler « la fourmilière »... commence-t-il.

       — Et à quoi correspond exactement « votre organisation »? C'est une espèce de résistance ? Comme dans Star Wars c'est ça ? raille Lana derrière nous.

Son ton ironique ne lui échappe pas. Il la fusille du regard.

      — Nous travaillons pour le gouvernement. Nous sommes une sorte de plan B, une alternative secrète aux services secrets. Il se trouve que ces derniers ne sont pas toujours...

      — Tobias !

Une petite femme à la coiffure extravagante s'approche de notre groupe, avant de nous jauger de ses petits yeux bridés.

       — Qui est-ce ? demande-t-elle en un petit froncement du nez.

      — Des filles que nous avons trouvé tout à l'heure dans la voiture des EJL.

EJL ? C'est alors que je prends conscience de leur ignorance sur l'existence du protocole TALIS. Ils en sont encore à l'ancienne version, ils ne savent pas que EJL est en fait une fausse organisation criminelle crée par le Campus pour camoufler les actes des TALIS. Je ne laisse pas paraître ma stupéfaction.