Les Élues des Dieux _ Tome 5 _ La Croisade aux Enfers

Chapitre 6 _ La corne d'Aldébaran

La nuit continuait à avancer. Le soleil ne se lèvera que dans longtemps. C'était à cet instant que les Spectres avaient choisi pour attaquer. Mü, courant pour rejoindre le temple du Taureau, se demandait quelle stratégie le Seigneur Hadès avait mit au point pour récupérer la tête d'Athéna, pour reprendre les termes de certains. Son armée était faible en soi, elle ne pouvait rien contre un Chevalier d'Or. Seuls les trois Juges étaient de taille à leur tenir tête... Alors pourquoi envoyer de simples soldats ?

Le Bélier avait terrassé son adversaire sans trop de difficulté. Oh, certes, Myu s'était montré plutôt ingénieux. Il lui avait fait perdre un peu de temps, et sa puissance était réelle. Cependant, Mü était un bien meilleur stratège que lui, et ses pouvoirs psychiques avaient eu raison de cet étrange papillon.

Mü ressentait clairement la présence de l'ennemi dans le temple du Lion. Il s'étonna que des Spectres aient pu réussir à traverser la maison d'Aldébaran. Ce dernier était réputé pour être un mur à lui tout seul, expédiant quiconque aux mauvaises intentions.

Tout à coup, le Chevalier s'arrêta. Il n'était qu'à mi chemin de sa destination, et pourtant il s'était subitement immobilisé. Ses sens avaient perçu d'immenses sombres énergies, dans le temple du Lion... Il pouvait déjà affirmer qu'Aiolia avait porté une attaque puissante... Mais les adversaires qu'il affrontait paraissaient plus forts encore... Et étrangement familier. Il les avait déjà perçus, lorsque les quelques Spectres avaient réussi à franchir son temple... Mais il n'avait osé le croire.

- Non, dénia-t-il finalement. C'est impossible. Ils n'auraient pu se joindre ainsi à l'ennemi.

Mais pourtant, les faits étaient là. Car c'était l'imposante aura de Saga qu'il avait principalement perçu jusque là. Et les deux autres... Il n'y avait pas vraiment de doute possible quant à leur identité.

- Je dois continuer, se décida-t-il

Il se remit à courir. Plus vite il y arriverait avec son ami, Aldébaran, plus tôt il aurait la confirmation de ses soupçons.

Finalement, le Bélier atteignit le temple du Taureau. Il s'en dégageait un étrange parfum qui ne le rassura pas. Il marcha lentement, se tenant aux aguets. Un Spectre pouvait surgir à n'importe quel moment, et ces infâmes êtres étaient spécialisés dans la dissimulation dans l'obscurité. Hors, étrangement, le Sanctuaire avait été plongé dans une ignoble pénombre depuis leur arrivée... Les conditions ne leur étaient donc absolument pas favorables.

Le Chevalier s'arrêta lorsqu'il perçu de ses yeux la silhouette de son ami. Il adoptait une drôle de posture, son armure le recouvrant, mais il ne s'en étonna pas. Il esquissa un sourire en s'approchant de lui, se détendant légèrement.

- Te voilà, déclara-t-il en s'immobilisant.

Il n'eut aucune réponse. Mü observa les alentours, discernant les restes d'aura d'un Spectre... Il la reconnaissait à l'ignobilité qui s'en dégageait.

- Tu n'as pas arrêté l'avancée de notre ennemi, s'étonna enfin le Bélier en se tournant de nouveau vers son ami. Qu'est-ce que tu...

Le Chevalier ne termina pas sa phrase, écarquillant simplement les yeux de stupeur. Il ne l'avait pas remarqué tout de suite, trop concentré sur la présence des Spectres... Mais Aldébaran du Taureau était complètement figé, le regard éteint. La posture qu'il abordait était celle de sa redoutable attaque, le Great Horn. Il se dégageait de lui une énergie combative pure, qui s'éteignait progressivement. Mü serra les dents, se blâmant intérieurement de ne pas s'en être rendu compte plus tôt. Mais le Chevalier du Taureau n'était plus.

Des larmes perlèrent sur le visage du Bélier, tandis que l'armure d'or du Taureau quittait son défunt propriétaire, s'assemblant dans les airs pour former son socle à l'effigie de l'animal de la constellation, pour finalement se poser près du corps qui ne bronchait pas.

- C'est impossible... soupira Mü

Quelques particules de l'aura d'Aldébaran tombèrent lentement vers lui. Le Chevalier les réceptionna d'une main, et comprit dès lors le message que son ami avait voulu lui faire parvenir. Car le Taureau savait que son compagnon d'arme allait passer par ici, et qu'il allait être confronté à son corps. Avec ce message, il expliquait clairement à Mü ce qui était advenu.

- Sombre pourriture... pesta-t-il d'une voix sombre. Je sais que tu te caches.

- Oh ? résonna une voix dans l'obscurité

- Tu as attaqué le Chevalier du Taureau sans même lui faire front de face. Tu n'es qu'un lâche.

- Moi ? Un lâche ? Je dirais plutôt que je suis un habile stratège ! Le grand Seigneur des Ténèbres me récompensera pour cet exploit. J'ai vaincu un Chevalier d'Or ! Vous n'êtes pas si puissants que vous le laissez entendre.

Mü resta silencieux, ne bougeant pas le moindre membre. Le Spectre, qui ne se montrait pas, émit un léger rire avant d'ajouter :

- Et toi alors ? Tu ne bronches pas ? Tu sais que je vais te tuer de la même façon que ton faible compagnon ?

- Il est inutile pour moi t'engager le combat contre un adversaire qui est déjà mort, rétorqua le Bélier en se contentant d'avancer vers la sortie du temple

- Hé ! Revient ici, lâche !

Mü senti l'assassin se mouvoir dans l'ombre, très certainement pour se jeter sur lui, mais il le senti également s'immobiliser. Il se tordait littéralement de douleur, hurlant de tout son être.

- Que... Qu'est-ce qui m'arrive ?! couina-t-il

- Pauvre inconscient... soupira le Bélier. « Mon faible compagnon », comme tu l'as appelé, ne s'est pas laissé gentiment abattre sans livrer bataille.

- Son attaque ne m'a rien fait ! protesta le Spectre en gémissant

- Au contraire. Elle a atteint chaque parcelle de ton corps...

Les sons des plaies s'ouvrant avec le sang jaillissant se firent bientôt entendre, accompagné des cris de douleur du mourant. Mü ne s'en préoccupa pas plus, et courut rapidement en direction du temple du Lion. Il devait encore traverser les maisons des Gémeaux et du Cancer avant d'y parvenir, en d'autres termes il avait un long chemin à parcourir. Il devait se hâter.