Chapitre 30 _ Au Sanctuaire

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Le Mont Étoilé, comme chacun le sait, était connu parmi les Chevaliers et autres résidents du Sanctuaire pour être le sommet le plus élevé du monde, plus haut encore que l'Everest. On le disait donc à raison qu'il était le plus proche des cieux. C'était un lieu fort sacré, interdit de toute présence quelconque. En plus de cette interdiction, il fallait savoir que son ascension était la plus ardue qui soit, et seul le Grand Pope était autorisé à s'y rendre, du fait de son saint devoir. Même les clercs qui le servaient avec ardeur en étaient bannis.

Cela faisait donc parti des lois ancestrales du Sanctuaire, tenues et respectées par toutes et tous, punis par la peine capitale en cas de transgression. Cependant, en ces temps obscurs, Orphée, Chevalier d'Argent de la Lyre, s'était attelé à braver cette interdit. Peu importe s'il mourrait, il avait déjà tout perdu aux Enfers. Néanmoins, il était un Chevalier, il se devait d'accomplir son devoir, et ce même si pour cela il lui fallait aller au-delà des lois qui régissaient leur ordre depuis les temps mythiques.

Ainsi, Orphée atteignit le sommet du Mont Étoilé. L'ascension fut, comme il l'avait deviné, difficile. Il n'en pouvait plus, il était à bout de toutes ses forces. Il se demanda comment le Grand Pope pouvait accomplir cet exploit aussi souvent, sans jamais faillir. Cette question silencieuse le ramena immédiatement à ce pourquoi il était venu. D'un pas mal assuré, le Chevalier pénétra le temple sacré, s'excusant mille fois par la pensée auprès d'Athéna pour l'affront qu'il était en train de commettre. Mais ce qu'il découvrit acheva de le convaincre qu'il n'avait agit que par justesse. Le Grand Pope était là, étendu sur le sol. Il avait ôté son casque rouge et son masque sombre, laissant dévoilé pour la première fois depuis tant d'année les traits de son visage. Il avait l'air si serein... Orphée secoua lentement la tête, poussant un long soupire découragé. Le Grand Pope savait qu'il allait mourir, et il s'était exilé jusqu'ici pour se laisser partir dans le calme. Le calme... Alors que la guerre contre Hadès faisait rage ? Pourtant, il ne paraissait nullement anxieux... Orphée traduisit cela comme une confiance que l'ancien Chevalier d'Or avait en leur ordre, en chacun d'eux... Il croyait en leur victoire.

- Grand Pope... murmura-t-il à voix basse. Je jure que vos espoirs ne seront pas vains. Nous vaincrons Hadès, comme vous l'avez fait autrefois.

Orphée espérait que ses quelques mots atteignent l'âme du défunt Grand Pope. Il garda un instant de silence, avant de se redresser totalement. Il lui fallait à présent redescendre le Mont Étoilé pour rejoindre le Sanctuaire, et annoncer aux ordres la triste nouvelle. Il sorti du temple saint, et leva aussitôt la tête vers l'éclipse. D'ici, il pouvait bien la voir. Elle arriverait à son terme dans moins d'une heure, à en juger par le temps de sa course. Tout allait si vite... Et eux, misérables Chevaliers d'Argent, n'avaient rien eu le temps de faire. Il s'excusa auprès de sa chère et tendre pour son incompétence, avant de s'avancer jusqu'au bord. Cependant, il s'immobilisa avant même de commencer sa descente, attiré par de vives éclats. Il parcourut les alentours de son intense regard, à la recherche de ce qui pouvait bien produire pareil phénomène. Ce qu'il constata le troubla au plus haut point. Les douze armures d'or revenaient au Sanctuaire, fusant dans le ciel obscurcit, brillant de leur lumière étincelante.

Beaucoup plus bas, dans la chambre d'hôpital, Kanon et Sorento observaient le même phénomène avec une expression de surprise similaire aux visages. Ils avaient vu, un peu plus tôt, les armures du Taureau, des Gémeaux, du Capricorne et du Verseau quitter leurs temples respectifs à une vitesse vertigineuse. Et maintenant, elles revenaient toutes... Au grand complet.

- Les Chevaliers d'Or... murmura Sorento en se penchant légèrement pour les voir regagner leur maison zodiacale

Kanon ne répondit rien, plongé dans une mélancolie certaine. En réalité, sa peine allait plus vers Ofelia. Il imaginait la détresse qu'elle allait ressentir lorsqu'elle apprendrait que les Douze Chevaliers d'Or avaient périt à nouveau. Peut-être même qu'elle le savait déjà. Non... Non, il aurait capté sa tristesse si tel avait été le cas.

Il n'était pas difficile pour le Général du Dragon des Mers de comprendre ce qu'il était advenu. Il avait déjà entendu parler du Mur des Lamentions, ce mur surnaturel que rien ne pouvait détruire. Rien... Si ce n'est l'éclat du soleil. Oh, certes, il était impossible de faire venir le soleil aux Enfers. C'était contre nature. Cependant, il était aisé de supposer que les Douze Chevaliers d'Or, dont les constellations étaient situées sur la trajectoire de l'astre doré, étaient capable d'en produire le même éclat. Mais même le plus imbécile qui soit pouvait comprendre qu'une telle concentration de pouvoir ne provoquerait que destruction. Les Chevaliers d'Or s'étaient donc sacrifiés en toute connaissance de cause pour détruire le mur...

Ce que Kanon ne comprenait, en revanche, c'était la raison pour laquelle ils avaient eu la nécessité de briser le Mur des Lamentions. Ses connaissances n'étaient pas parfaites sur le sujet, mais il savait que le mur dissimulait un lieu paradisiaque, disait-on, appelé Elysion. Il ne savait rien de plus. Pourquoi s'étaient-ils sacrifiés pour ouvrir le passage vers cet endroit interdit aux mortels ? Une réponse lui vint à l'esprit. Puisque l'aura d'Athéna avait subitement disparu... Est-ce que cela signifiait qu'elle était retenue là-bas ? Il ne voyait pas pourquoi les Douze Chevaliers d'Or auraient donné leur vie autrement.

- Ofelia... soupira-t-il

Le Général se tourna vers les deux nouveaux nés, endormis chacun dans leur berceau d'un sommeil des plus agités. Nul doute n'était à soumettre quant à leurs perceptions déjà hors norme. Il était persuadé que ces deux là avaient ressenti ce qui était advenu.

- Elle a besoin de nous, déclara subitement Sorento

- Ne bouge pas d'ici, le menaça Kanon d'une voix terrifiante.

- Seuls les Chevaliers d'Or sont partis aux Enfers avec elle, protesta la Sirène. Je ne la laisserais pas seule, sans défense, au cœur des Enfers !

- Moi non plus. Mais nous n'avons pas le choix.

Kanon avait la paresse d'expliquer à son compagnon d'arme, s'il pouvait le qualifier ainsi, qu'aucun mortel ne pouvait franchir les portes d'Elysion. C'était ainsi. Peut-être qu'une élue le pouvait... Mais eux, une fois arrivés aux Enfers, ne seraient d'aucunes utilités. De véritables boulets.

- Il nous faut rester ici, se contenta-t-il de dire. Ofelia nous en voudra si nous laissons ses enfants sans surveillance.

- Si elle perd la vie, elle ne pourra pas nous en vouloir de quoique ce soit !

Kanon leva les yeux au ciel, agacé. Sorento fulmina contre lui, mais ne bougea pas comme il s'était assuré de le faire. Sans doute avait-il enfin comprit qu'ils ne serviraient à rien aux Enfers.

- Mais où est-elle, exactement... soupira Sorento en appuyant son avant bras contre la vitre de la fenêtre

Le Dragon des Mers ferma un instant les yeux. Il lui était impossible de détecter la présence d'Ofelia, puisque de toute manière le Sanctuaire Marin s'était tut quant à la réaction du bracelet. Impossible donc de s'assurer si elle était vivante, ou si elle ne l'était plus... Mais il gardait espoir. S'il venait à lui arriver quelque chose, il savait qu'il allait le ressentir d'une manière ou d'une autre. 

Les Élues des Dieux _ Tome 5 _ La Croisade aux EnfersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant