Tout le monde semblait l'avoir oubliée.
Le temps passait, les choses changeaient. Un jour, alors que le printemps pointait le bout de son nez, je me levai en sursaut. Un chat. J'avais rêvé d'un chat. Je le voyais encore, son corps mort et morne, ses yeux suppliants, il semblait affamé. Il était là, il me parlait. « Pourquoi m'as-tu oublié, me demandait-il ? ». Ses yeux bleus me fixaient, que faisait-il là, qui était-il ? Je me sentais si mal. Je le sentais mourir devant moi, je le voyais, je me sentais coupable. J'en pleurais, il avait accroché à mon cœur un poids, un fardeau, une présence constante. Je le réentendais plusieurs fois par jour, sa voix me criait « n'oublie pas ». Je n'oubliais pas, je n'oublierais jamais. A chaque fois que j'essayais, il était là pour me rattraper. Je me souvenais qu'on m'avait déjà dit cela, il y a quelques mois déjà. De quoi parlait-on ? Tout se mélangeait dans ma tête dans une spirale psychotique, mon cerveau en compote se décomposait, une rose aux ronces acerbes semblait avoir empalé mon cœur. J'étais souvent mélancolique, j'étais tout le temps malheureux, mais je ne me souvenais plus pourquoi. N'oublie pas.
Le temps passait encore, je sentais une contraction dans mon âme, une tension entière et constante, quelque chose qui me retenait. Comme des devoirs, oui, des devoirs. Toujours plus de devoirs, même quand je n'en avais pas, j'avais cette sensation étrange, ce besoin d'ouvrir mes cahiers, de vérifier encore et encore si je n'avais rien. Parfois, il me prenait de repenser à ce rêve, de repenser à ce chat. C'était en cours, c'était avant de dormir. A chaque fois que je broyais du noir, je revoyais l'animal, ses poils sales, son corps squelettique, il me fixait. N'oublie pas.
De quoi devais-je me souvenir ? De quoi ? Ne pas savoir provoquait en moi une sorte de frustration, de colère. Respire, respire, respire.
Respire.
Respire.
Mon souffle s'intensifiait, j'avais de plus en plus de mal à respirer. Toute la classe avait les yeux rivés sur moi. Je pleurais, des larmes de fureur. Le professeur me demandait si ça allait. Silence, silence, puis un cris de désespoir, un cri d'outre-tombe, le hurlement d'un désespoir que je ne comprenais pas moi-même. Mes muscles étaient tous aussi crispés. Le professeur d'histoire, je le voyais me murmurer n'oublie pas. Lui aussi. L'incompréhension voilait mes yeux. Je perdis conscience.
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Cycle 8
SpiritualDes voyages dans le temps, des virus, des machines et des singularités. L'avenir semble si compromis, et pourtant, l'idéalisme seul suffirait à tout changer !