Au bout de quelques temps, mes parents vinrent me rechercher. On ne parla plus de cela ni à la maison, ni en cours, et ma vie reprit un cour à peu près normal. J'ai commencé à me rapprocher de Séline, elle m'apprécie un peu aussi je crois. A partir de ce jour, tous les samedis, nous sortions ensemble en ville. Là où nous vivons, ce n'est pas très grand, mais il y a tout ce dont nous avons besoin ; une bibliothèque, une église, des magasins, un stade de foot, et de la verdure. Avec elle, nous déambulions de longs moments dans les ruelles de la ville, avant de nous arrêter quelque part, sur un banc ou dans l'herbe, pour parler un peu. Avec elle, je prenais mon temps, je ne savais pas comment m'y prendre, j'avais un peu peur. Je savais qu'il faudrait lui dire un jour, mais j'attendais, pour être sûr. Plus le temps passait, plus je savais que je l'aimais, et plus j'avais de mal à me décider. Que se passerait-il ensuite ?
Un jour, alors que je traînais avec elle, j'avais réussi à la convaincre d'aller explorer un vieux manoir abandonné, à la sortie de la ville. Il avait été vendu il y a un an et demi, maintenant, lorsque le vieux Hanson a clamcé, et personne n'a jamais voulu l'acheter. Pourtant, il était en très bon état, mais rien à faire. Enfin voilà, ce jour là, il pleuvait (j'aime tant le mois d'Avril), et il faisait nuit ; c'était préférable pour ne pas être vu. Séline s'approcha de moi :
« On a le droit de faire ça ?
- Non, lui répondis-je impassible. Sinon on ne le ferait pas.
- Ok, mais on touche à rien, hein ? S'inquiéta-t-elle
- T'inquiètes ! »
C'était aujourd'hui. Je ne sais plus pourquoi, mais j'avais enfin réussi à me décider, je voulais profiter de notre escapade nocturne pour lui en parler. Je voulais en ce jour, lui dire que je l'aimais. Ensuite ? Tout serait différent, quoi qu'elle me répondre. Rêveur, je me faufilai par une fenêtre brisée, accompagné d'un certain frisson, qui parcourait mon dos comme je parcourais à présent le long corridor principal. Tout me semblait si ... Familier. Séline me suivit, et, alors que je restai tétanisé, elle prit les devants. Cette bâtisse anthropophage semblait m'absorber, ces murs, ces meubles. Tout brillait de mystère, tout sombrait dans l'occulte. Je pointai ma lampe-torche vers l'avant, nous étions dans une sorte de débarras, où des babioles diverses se mêlaient à des vieux meubles, ou des livres d'un autre temps. Tout respirait la poussière, cette odeur de renfermé, et cette sorte de douceur nostalgique. Je pointai ma lampe-torche au sol ; une guitare était posée dans un coin. Je l'observai, sidéré. C'était ...
Pris de violents tremblements, je m'en servi pour gratter quelques faibles accords. Cette guitare ...
C'était ... La mienne. Je l'avais perdu il y a si longtemps, que faisait-elle-là ? Je ... Je ne comprenais pas ce qui se passait ; tout était si étrange. Je voulais m'enfuir, c'était le plus prudent, mais il fallait que j'aille chercher Séline. Elle avait mystérieusement disparu. Je commençais à paniquer, mais je préférais me dire qu'elle était juste partie plus loin ... Elle était peut-être juste curieuse de voir ce qu'on trouverait par la suite. Je fis un effort pour ne pas céder au mal de l'auto-persuasion ; non, ce n'était pas une histoire de fantômes, c'était impossible ! Je n'osai pas bouger, je ne voulais pas qu'ils me repèrent, et en même temps, je devais la trouver, a deux, tout serait plus facile. Après quelques minutes d'attente, je me décidai enfin. J'ouvris tout à coup la porte de la remise, prêt à la rejoindre, où qu'elle soit dans le manoir.
J'étais à présent dans le couloir principal de la demeure, tout semblait si récent et si vieux à la fois ... Un long escalier quelque peu incliné montait dans ce qui semblaient être les pièces intimes du lieu, tandis que plusieurs portes au rez-de-chaussé fuyaient dans tous les sens, vers des cabinets inconnus. Alors que je réfléchissais à l'endroit où commencer mes recherches, un détail me frappa d'horreur. Blottie dans un coin, une pauvre bête gisait, défigurée et squelettique. J'étais paralysé, je ressentais une bouillasse d'émotions contradictoire et simultanées. Elle me fixait, la bête me fixait, comme dans une dernière agonie. Ses yeux persans et perçants me fixaient, son corps meurtri semblait s'enfoncer en lui-même. Je le reconnaissais, ce regard, c'était le chat de mon rêve, c'était, c'était ... Shogun. Ce nom me revint, ce chat, cette pauvre créature que j'avais pris sous mon aile, comment avais-je pu l'oublier ? Comment m'était-il venu l'idée de m'en occuper d'ailleurs ? Je ressentais en moi cette frustration de celui connaît quelque chose, mais qui ne sait plus s'en souvenir. Je me sentais mal, une sorte de douleur au cœur. Je commençais à pleurer, de plus en plus fort. J'avais l'impression d'avoir perdu trois mois en menant une vie frivole, m'éloignant des vraies choses, de leurs vraies importances. Je ne savais pas pourquoi j'allais si mal, mais c'est comme si j'évacuais trois mois de douleurs en quelques instants. C'était si intense, douloureux et agréable à la fois ... Je me penchai vers le corps inanimé du chat. Mon dieu ! C'était ... Réellement ma faute ? Etais-je réellement responsable de tout cela ? Le pauvre chaton, comment avais-je pu l'oublier ? J'essayais de me rassurer comme je le pouvais, ce n'était pas moi le premier à l'avoir abandonné, j'étais trop occupé, je n'avais pas le droit de l'aider, il était dans une maison abandonné, mais rien ne faisait. J'étais responsable de sa mort, et je le savais. Des mouches virevoltaient autour de son cadavre duquel émanait une puissante odeur de décomposition. Soudainement, un frisson me parcourut. Je sentais quelque chose m'épier, une présence derrière moi. Que se passait-il, bordel ? Que se passait-il dans ce manoir ? Terrorisé, je tournai ma tête, je n'aperçus qu'une silhouette sombre et féminine, se faufiler entre deux armures, et disparaître par delà les escaliers, au premier étage. J'étais livide, désemparé et désespéré. Je ne savais plus quoi faire, tout semblait s'organiser comme dans mes cauchemars, mais je devais trouver Séline, il me le fallait.
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Cycle 8
SpiritualDes voyages dans le temps, des virus, des machines et des singularités. L'avenir semble si compromis, et pourtant, l'idéalisme seul suffirait à tout changer !