19. Harry

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— Avez-vous conscience que rien n'est de votre faute Harry ?

Je triture mes doigts, les dernières minutes ont été longues et douloureuses, mais il fallait que ça se fasse, il fallait que je raconte tout cela, à nouveau. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé en moi ces derniers jours, mais le besoin de raconter mon vécu se fait sentir de plus en plus. Louis a débloqué quelque chose et même si c'est encore compliqué d'accepter tout ça, je me rends compte petit à petit que je suis une victime et que les victimes doivent parler, pour leur propre bien, mais également pour protéger les autres.

En fait, j'ai longtemps pensé que si, que j'avais dû envoyer les mauvais signaux, que je l'avais bien cherché... que je ne méritais que ça... mais maintenant, je sais que non. Ce n'est pas de ma faute.

Ça, c'est facile à dire comme ça, dans son bureau, mais au jour le jour et malgré le fait que je reconnaisse mon statut de victime, je me sens malheureusement encore très coupable.

— Vous le savez, mais en avez-vous réellement conscience ?

C'est définitif, cette femme a un sixième sens, je ne peux rien lui cacher.

— Oui... oui, je sais que... que ce n'est pas de ma faute.

— Le savoir et en être conscient sont deux choses différentes, Harry. C'est comme entendre et écouter, comme exister et vivre. Il y a une subtilité qui fait toute la différence.

— Je... j'en suis conscient oui.

Qui crois-tu berner Harry ? Pas elle en tout cas vu le regard qu'elle me lance.

— Alors vous êtes prêt à raconter votre histoire, à porter plainte...

Oh putain de...

— Non.

— Pourquoi ?

— Parce que... on va penser que...

— Que vous l'avez mérité ? Que vous l'avez cherché ?

Je ne bouge pas et baisse la tête. Cette femme est un démon, mais elle a tellement raison. J'apprends à accepter, mais me défaire de mon sentiment de culpabilité est difficile.

— Soyez sûr de vous Harry, c'est important pour la suite. Croyez en vous et en ce que vous aviez le droit de faire sans qu'on profite de vous. Vous aviez le droit de sortir, de vous faire beau, de séduire. Lui n'avait pas le droit de vous faire ça. Vous n'y êtes pour rien. Votre sexualité et votre manière de la vivre ne sont en rien responsables dans cette histoire. Le seul responsable est votre agresseur et le choix qu'il a fait ce soir-là d'abuser de vous, de vous retirer votre libre arbitre et votre capacité à dire non.

Ces mots font échos à ceux de Louis et l'entendre de nouveau me détend un peu. Si une deuxième personne me le dit, c'est que ça doit être vrai, non ?

— Je sais, mais c'est plus fort que moi.

— C'est normal, cela fait plus de deux ans que vous vivez dans la culpabilité. Vous commencez seulement à prendre conscience de la réalité de la situation. C'est un lourd travail qui commence, Harry. Vous avez bien avancé, mais il vous reste encore du chemin à faire et malheureusement ça ne sera pas simple. Le fait qu'on vous ait retiré la capacité de vous souvenir complique les choses.

— Je ne suis pas certain d'avoir envie de me souvenir.

— Je comprends, mais ce serait pourtant un pas de plus vers la guérison.

Pour n'être qu'avec toi (LS)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant