3. Harry

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Assis dans ma voiture, j'inspire et j'expire fortement. Mes mains sont crispées sur le volant. Je retiens mes larmes de toutes mes forces en fermant les yeux à m'en faire mal aux paupières. Il n'y a pas que des larmes que j'essaie de refréner, mais aussi des cris. De détresse, d'angoisse, de colère.

Respire Harry. Ça va passer. Respire.

L'heure que je viens de vivre était... intense. C'est le moins que l'on puisse dire. Je n'ai pas desserré les dents de toute la séance, sauf pour dire mon prénom. Je savais que ça serait dur, mais je n'imaginais pas que ça le serait à ce point-là.

J'imaginais bêtement que je serais suffisamment mis en confiance pour pouvoir, au moins, aligner trois mots. J'imaginais qu'en étant en présence de personnes souffrant du même mal que moi, ce serait plus facile de m'ouvrir... mais non, je n'ai pas pu. Même après avoir écouté certaines de leurs confessions, je n'étais toujours pas capable de dire quoi que ce soit. J'ai juste eu envie de m'enfuir plusieurs fois.

Pourtant, chacun s'est montré très à l'écoute des autres et incroyablement patient quand quelqu'un avait du mal à formuler ses pensées. L'animateur de la séance, Liam, semble être une personne très douce qui serait capable d'amadouer n'importe qui et qui inspire confiance rapidement.

Cependant, ça n'a pas fonctionné avec moi.

Je suis incapable de faire confiance à qui que ce soit. Surtout à un homme. Or, il y en avait des hommes dans cette pièce. Pas énormément, certes, mais c'était déjà trop pour moi. Même s'il y avait une majorité de femmes, moi je n'ai vu que les hommes.

Ça n'est pas une histoire de préférence ou d'attirance. Bien au contraire. J'ai juste cette peur des hommes qui est ancrée en moi, depuis ce jour-là. Ils sont peu à avoir réussi à franchir la barrière que j'ai érigée entre eux et moi. Tellement peu qu'en deux ans, seul Zayn est parvenu à créer un lien avec moi, mais jamais je ne l'ai laissé me toucher.

J'ai entendu beaucoup de choses ce matin. J'essaie tant bien que mal de me concentrer afin de me remémorer certaines paroles confiées par les autres participants. J'essaie de ne retenir que le positif. C'est éreintant.

J'y arrive petit à petit.

L'autre jour, mon fils a pu me sauter dans les bras sans que je le repousse.

Mon mari et moi sommes plus proches. Nous nous redécouvrons.

C'est là-dessus et seulement là-dessus que je dois me concentrer. Sur le fait que certaines personnes s'en sortent. Qu'elles apprennent à revivre après avoir vécu un traumatisme. Elles sont tellement fortes. Elles racontent leurs histoires, elles se livrent et grâce à cela elles avancent, doucement, mais sûrement, vers la guérison.

Alors que moi, je n'ai réussi qu'à dire mon prénom...

Je sais qu'il va me falloir du temps, mais je voudrais que ça aille vite. Je voudrais me réveiller un matin et que tout ça soit oublié. Disparu comme par magie. Je suis impatient. Est-ce bon signe ? C'est en tout cas signe que je veux m'en sortir, non ? Alors pourquoi n'en suis-je pas capable ?

J'ouvre les yeux lorsque ma respiration est enfin calmée et je regarde droit devant moi. Devant la porte du bâtiment, sur le trottoir, l'animateur de la séance discute avec une des participantes. Ils sont accompagnés du jeune homme qui prenait des notes. Lui non plus n'a rien dit. Je ne sais pas ce qu'il faisait là et pourquoi il écrivait autant sur son carnet. Il avait l'air très attentif à tout ce qui se disait et n'arrêtait pas de griffonner. Il semblait touché par les différents témoignages, mais je ne pense pas qu'il soit comme nous. Il n'a pas la même attitude que nous, que moi. Ou alors il est déjà guéri, mais ça n'explique pas les notes.

Pour n'être qu'avec toi (LS)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant