U Chapitre 10.

870 76 8
                                    

Toute la nuit Dipper resta éveillé, à observer les moindres faits et gestes de Bill - qui faisait toujours semblant de dormir -, étant incapable de fermer l'œil. Depuis sa menace, il craignait que ce démon ne la mît à exécution. Peut-être qu'il se serait jeté sur sa jumelle pour la forcer à manger des parties du corps de Dandinou pour ensuite l'étrangler ? Peut-être aurait-il brûlé la maison en un simple claquement de doigt ? En y songeant, même en restant éveillé, il ne pourrait pas vraiment empêcher Bill de faire ce que bon lui semblait. Sous sa forme, il avait l'insignifiance d'un vulgaire insecte.

Quand les premiers rayons du soleil vinrent filtrer l'unique fenêtre de leur chambre improvisée, Bill se tourna sur le dos, dévisageant le spectre, amusé.

- Bien dormi, Pinetree ? souffla-t-il avec un sourire sournois.

Les sourcils froncés, il ne répondit pas. Qu'est-ce qu'il n'aurait pas donné pour reprendre ses droits sur son corps et exterminer une bonne fois pour toute ce triangle infernal ?

Bill jeta un coup d'œil à Mabel, toujours endormie, en train de câliner son cochon comme s'il était son oreiller. Son regard était luisant.

- N'y pense même pas, ordonna le fantôme d'un ton sec.

- Oh. Et à quoi suis-je en train de penser, selon toi ?

Il savait très bien qu'il pouvait faire du mal à sa sœur juste pour le faire réagir. Mais il ne pouvait se résoudre à le révéler à voix haute. Il soupira en guise de réponse et se détourna.

- T'as intérêt à ne rien faire de bizarre durant mon absence, Bill.

Il passa au travers de la porte et alla dans la cuisine. Personne. Il entendit alors la porte du grenier s'ouvrir puis se refermer. Il se tourna pour vérifier s'il s'agissait de Mabel.

Et bien évidemment, il s'agissait de Bill qui se déplaça dans les escaliers en se retenant fermement à la rampe. Il semblait de plus en plus s'être habitué à cette forme, ce qui n'arrangeait rien à la situation de Dipper. Il remarqua soudainement qu'ils se trouvaient dans une même pièce, rien que tous les deux. Un frisson désagréable le parcourut. Il redoutait ce moment depuis ce qu'il s'était passé durant la nuit précédente. Il se souvint de l'ardeur de leur baiser, de la pression de ses mains dans ses cheveux et sur son dos, l'aimantant à lui. À ce rappel, il sentit ses joues s'empourprer.

- Par pitié, faites qu'il ne remarque rien ! se supplia-t-il intérieurement.

Quand Bill arriva à sa hauteur, Dipper eut un mouvement de recul. Il devait fuir, lui échapper à tout prix. Il commença à s'éloigner, se rapprochant de la porte d'entrée pour faire un tour dans la forêt. Il avait besoin d'être seul, d'être bercé par les rayons du soleil levant. Et surtout, ne pas tenter le diable en restant dans la même cage que ce lion imprévisible !

- Où crois-tu aller comme ça ?

Au même moment, un cliquetis caractéristique lui parvint aux oreilles et il sentit une pression autour de son cou, l'empêchant de s'aventurer plus loin. À sa gorge se trouvait un joug bleu, du même type que les menottes qui l'avaient entravé quelques heures plus tôt. En tirant sur la chaîne, cela lui arracha un râle de douleur. Il était comme un chien relié à un poteau, attendant que son maître vînt le récupérer à la suite de ses courses. Il fut dans l'obligation de faire volte-face. Bill le regardait de son petit air supérieur et tira vivement sur la chaîne, forçant le fantôme à le rejoindre. Il se retrouva à seulement quelques centimètres de son visage. Dipper aurait aimé s'enfuir mais il demeurerait à sa merci jusqu'à ce qu'il décidât de le libérer de ses entraves.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? Ça ne te plaît plus d'être en ma compagnie ?

Il passa une main dans ses cheveux désormais matériels et caressa ses boucles brunes aux reflets bleus. Dipper dut prendre sur lui pour ne pas lui cracher à la figure.

Sa main dévia sur sa joue puis sur son menton. Leur nez se frôla et Dipper savait très bien ce qui allait suivre. Les dents serrées, les lèvres pincées, il chercha à éloigner le plus possible son visage, le cœur battant lourdement.

- Ne fais pas cette tête. Je sais très bien que tu en rêves encore.

Dipper lui lança un regard mauvais, la bouche toujours scellée. Et malgré sa réticence apparente, les lèvres chaudes de Bill se posèrent sur les siennes. Une onde de chaleur se propagea dans l'entièreté de son corps. Il se sentit affaibli, perdant un peu plus de son assurance. La main sous son menton se développa à l'arrière de sa nuque, l'autre retenant toujours fermement la chaîne qui entravait son cou. Les mains du fantôme se posèrent sur le torse de son vrai corps possédé par une autre âme. Il cherchait à le repousser sans être vraiment convaincu. La langue de Bill se fraya un chemin à travers ses lèvres, rejoignant sa jumelle qui ne réclamait que sa présence. L'excitation se diffusa davantage dans sa tête, lui offrant des bouffées de chaleur. Le souffle court, l'esprit embrumé, tout se mélangeait dans sa tête.

Une trentaine de secondes plus tard - qui paraissait nettement plus longue du point de vue de Dipper -, ils se séparèrent. Dipper respira bruyamment, le corps tremblant, les mains toujours accrochées au t-shirt de Bill qui passa sa langue sur ses lèvres, le regard lubrique. Le jeune adolescent fut pris d'un spasme face à ce geste suggestif et piqua un fard. Il baissa les yeux, évitant à tout prix les prunelles dorées de son marionnettiste. Il voulait disparaître.

- Ces lèvres sont tellement alléchantes que je ne suis pas sûr de pouvoir m'en séparer un jour, susurra le démon, la voix rauque de désir.

Le contact de ses doigts froids sur sa bouche le fit frissonner. Il ne trouva pas la force ni la volonté de se débattre. Ses lèvres se rapprochèrent de son oreille et il murmura, narquois :

- Quand j'aurai récupéré la totalité de mes pouvoirs, tu ne pourras plus te passer de moi.

Il claqua des doigts, le libérant de son joug. Bill s'éloigna pour retrouver une distance raisonnable et lui adressa un sourire sardonique.

Cette promesse sonnait comme un appel à la tentation. Qu'il tomberait dans ses bras et lui réclamerait ses lèvres encore et encore.

Mais il ne se serait jamais douté qu'elle cachait un sens lugubre : en finissant seul à tout jamais, il n'aurait plus que lui pour retrouver une chaleur qui l'éloignerait de la solitude.

BillDip - Un pacte démoniaque.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant