E Chapitre 6.

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Trois jours passèrent et finalement, le jeune Pines fut complètement guéri. Et au passage, le suçon qu'il avait dans la nuque avait disparu. Tous les matins, avant de rejoindre leurs oncles, Mabel lui appliquait du fond de teint sur la marque pour qu'il ne se fît pas harceler de questions alors qu'il n'avait lui même pas de réponse claire à donner. Alors, imaginez le soulagement dans les yeux de Dipper quand sa sœur était venue lui annoncer qu'il n'avait plus rien ! Il était sur le point de lui sauter dans les bras en criant sa joie. Toutefois, il s'était retenu afin de ne pas paraître suspect. Qui agirait de la sorte dans ce genre de situation ?

Il se réfugia dans la salle de bains, s'apprêta, et partit prendre son petit-déjeuner. Un peu plus tard, il demanda à Oncle Ford de faire une partie de "Donjons, donjons et encore plus de donjons" avec lui. Il avait eu tout le temps de composer une stratégie alors qu'il traînassait dans son lit. Ayant joyeusement accepté son offre, ils se posèrent dans le salon et la partie débuta à 13h15. Après d'intenses réflexions et de décisions réfléchies - et notamment, beaucoup de chances lors des lancées de dé -, ce fut Oncle Ford qui remporta la partie, à 18h45.

- Tu t'es beaucoup amélioré depuis la dernière fois. Je suis très fier de toi ! J'ai bien cru que tu allais me battre si tu avais lancé un 36 !

- J'y étais presque pourtant! s'énerva Dipper en souriant tristement, déçu de sa défaite.

Son oncle vint lui tapoter l'épaule, agissant comme s'il était son paternel.

- Réclame ta revanche quand tu veux !

Il aurait pu lui répondre : "Maintenant !", mais il commençait vraiment pas à se faire tard. Et puis, il avait des choses à faire.

- Je vais faire un tour dans la forêt. Je devrais être de retour avant le dîner.

- D'accord. Tu vas prendre des notes ?

- Oui, ça m'a manqué.

Il lui adressa un grand sourire en replaçant convenablement sa casquette, prêt à partir. Il claqua la porte derrière lui et se dirigea là où se trouvait la statue de Bill. Il y arriva beaucoup plus rapidement que la dernière fois. Cela se comprenait car il avait récupéré toute son énergie et il connaissait désormais le chemin. Il retrouva rapidement l'emplacement de la pierre sculptée. Au moment où il l'aperçut, il hésita à continuer sa route. Tout au fond de lui, il n'avait pas confiance. Bill était très intelligent. Il avait probablement trouvé un moyen d'échapper à la mort. Mais peut-être ne l'était-il pas assez ? Il décida d'écouter sa raison qui lui disait que plus rien n'arriverait. L'intellect était de meilleur conseil que l'affect. Alors il se rapprocha de la roche et s'installa en face, assis en tailleur.

- Salut. Je suis de retour.

Quelque part, il aurait aimé que le démon triangulaire lui répondît, qu'il pût l'entendre. Il jubilait à l'idée de le narguer, de lui dire toutes les méchancetés du monde sans qu'il n'y eût le moindre représaille. Mais il s'abstint. Ce n'était pas une bonne idée de provoquer ce genre d'individu...

Comme la dernière fois, il resta un long moment à l'observer, pensif. Il transplanta alors son esprit pour se mettre à sa place. Comment se sentirait-il s'il n'était plus libre de ses mouvements jusqu'à la fin des temps ? Ne pas pouvoir bouger, interagir avec les autres. C'était un sort pire que la mort ! Mais Cipher le méritait. Après avoir essayé de conquérir le monde, il lui fallait une sentence appropriée.

Dipper fut intrigué par la main levée du triangle. Pourquoi l'était-elle ? Pointerait-elle un lieu ? Il suivit alors sa direction mais à part une rangée de conifères, il n'y avait rien d'extraordinaire. En l'examinant d'un peu plus près, on aurait dit qu'il voulait le saluer, comme pour dire que cela faisait longtemps qu'ils ne s'étaient pas rencontrés. Il soupira, trouvant la situation risible. Il cherchait des explications là où il n'y en avait pas.

Brusquement, à quelques mètres à sa gauche, plusieurs oiseaux prirent leur envol, regroupés, comme si une bête les avait effrayés. Ce fut au tour de Dipper de prendre peur. Il se leva rapidement, s'aidant de la statue. Il se retint à la main de Bill qui s'enflamma d'un coup d'une flamme bleue. Son attention se porta d'un seul coup sur ce qu'il se passait juste à ses côtés et il se sentit partir. Son corps perdit ses forces et il se sentit éjecté. Cette impression ne lui était pas inconnue. Il l'avait vécue quand il avait douze ans. Il comprit alors ce qu'il venait de se passer : il n'était plus qu'une âme errante, séparée contre son gré de sa propre anatomie.

- Ah ! Enfin ! Je craignais que tu ne me libères jamais !

Dipper se retourna vivement vers la voix qui lui était familière. Il vit son propre corps face à lui qui lui offrait un sourire carnassier, le fixant de ses yeux jaunes aux pupilles fendues. Il le fixa, horrifié.

- C'est que tu as bien changé en six ans ! Tes muscles sont plus robustes et tu as même pris quelques centimètres ! s'exclama-t-il en tâtant ses biceps. Nan, je déconne. Toujours aussi chétif, mon pauvre Pinetree ! Tu n'as vraiment rien pour toi.

Il partit en éclat de rire, se bidonnant avec joie.

- Bill ! Comment as-tu fait pour reprendre mon corps !?

- Voyons, tu as scellé un pacte avec moi.

- Jamais de la vie !

- En général, quand on serre la main d'une personne, c'est qu'on accepte son offre, se moqua-t-il en avançant en ligne droite, n'ayant plus l'habitude de marcher.

Il fallut à Dipper seulement trois secondes pour faire le lien. Il avait eu raison de douter de la soi-disant impuissance de ce triangle à l'œil unique !

- Rends-moi mon corps, Bill !

- Tu es sérieux ? Tu me l'as promis, je le garde.

- Je ne t'ai rien promis du tout ! Rends-le-moi tout de suite !

Il fonça sur lui, déterminé à ne pas se laisser faire mais il passa simplement à travers son corps. Bill se mit à rire à s'en railler la gorge.

- Tu ne peux rien faire contre moi, Pinetree ! Tu n'existes plus !

Le fragment d'âme lui lança un regard méprisant.

- Qu'est-ce que tu comptes faire ? Détruire le monde une nouvelle fois ? On t'en empêchera !

Bill se contenta de balayer l'air de la main, un sourire cruel étirant ses lèvres. Tout à coup, l'adolescent ne se sentit plus autant en confiance. On aurait bien dit que ce démon avait pensé à tout.

- C'est ce qu'on verra, mon petit Pinetree.

BillDip - Un pacte démoniaque.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant