(3) Un Erwin brisé

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~Livai~

J'essaie en premier lieu d'ignorer les éclats de voix, convaincu qu'il s'agit simplement d'une autre dispute entre Eren et je-ne-sais-qui. Il y a quelques mois, trois malabars baraqués comme des bœufs l'ont suivi jusqu'à l'appartement afin de lui mettre une correction. Mon idiot de colocataire aurait dragué de manière vulgaire la copine de l'un de ces gorilles, ce qui en a fait un ennemi à abattre. J'ai finalement dû appeler la police pour empêcher Eren de se faire tuer et mettre du sang partout. Le temps que les flics débarquent, il a eu le temps de se faire salement amocher, abordant pendant des jours des yeux violets de poisson.

Je verse tranquillement mon jus d'orange 100% pure, sans pulpe, comme je l'aime.

Sur la bouteille est écrit au crayon marqueur noir mon prénom en lettres majuscules afin d'éviter que l'un de mes colocataires en prenne. S'ils osaient poser leur bouche pleine de germes sur le plastique, je devrais m'en débarrasser. Rien n'est plus répugnant qu'imaginer les lèvres souillées d'Eren salir ce qui m'appartient.

-Tu n'avais qu'à réfléchir avant de te taper un autre gars.

Cette fois, je ne peux m'empêcher de tendre l'oreille par curiosité. Il ne s'agit pas d'Eren, mais d'Erwin, l'élève modèle. J'étais convaincu qu'il passait la soirée dans sa chambre pour lire un ouvrage de l'épaisseur d'une brique. Quand est-il sorti? Il doit se disputer avec sa petite amie. Si cette fille l'a trompé, je le comprends d'être en colère. À sa place, ce serait la séparation immédiate, pas préavis.

J'ai du mal à imaginer Erwin en couple. Peut-être est-ce à cause du sérieux que dégage son visage carré aux traits de militaire, mais j'ai toujours pensé qu'il était le genre d'homme à ne vouloir aucune relation avant d'obtenir son diplôme. Je le connais mal, donc je ne suis pas bien placé pour le juger. De toute façon, les gens m'ont moi-même déjà comparé à un vampire dépressif. Si c'est une façon de dire que je suis aussi sexy que Brad Pitt dans entretien avec un vampire, pourquoi pas?

-Donc tu ne me laisses vraiment aucune chance de me faire pardonner?

Cette voix, c'est celle d'un autre gars? Est-ce possible que...

Bien que la curiosité soit un vilain défaut, j'avance à pas de loup vers l'entrée, là où se déroule l'action, mon verre de jus d'orange toujours à la main. Un blond de deux mètres bloque le passage à Erwin avec son bras d'une grosseur rivalisant avec les lutteurs professionnels. Est-ce que cette bête dont la voix est empreinte de virilité est le petit ami de mon colocataire?

-Je ne peux simplement pas, fini par souffler Erwin. C'est fini.

L'inconnu laisse tomber son bras, puis mon colocataire ferme la porte avant de se laisser glisser jusqu'au sol, le visage déformé par les larmes. D'accord... cette fois, je suis embarrassé. Que suis-je censé dire à quelqu'un qui pleurs sous mes yeux? Dois-je me contenter de lui tendre un mouchoir réconfortant?

Peut-être devrais-je simplement regagner ma chambre et me voiler la face, faisant comme si je n'avais rien vue? C'est l'idée la plus judicieuse. De toute façon, Erwin frôle le titre d'étranger. Il n'est rien de plus qu'une façon de payer un loyer moins élevé, même si en cet instant, le voir se noyer dans ses propres larmes me met mal à l'aise.

-Pourquoi tu me regarde comme ça? crache soudainement Erwin. Tu n'as rien de mieux à faire ?!

C'est à moi qu'il ose parler comme à un chien? Outré, je hausse un sourcil. Je crois mériter un minimum de respect! Dans cette situation, je ne suis qu'une victime ayant assisté contre mon gré à une scène de ménage sous mon propre toit. Tout ce que je désirais, c'était un verre de jus d'orange nocturne.

Mon coloc ~Eruri~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant