Chère adolescence. (texte)

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Chère adolescence,

C'est fou comme j'avais tant d'avis sur toi. De la bouche des parents, c'était un grand moment, plein de doutes, de cris, d'angoisse, de larmes. Quelques années avant que tu n'arrives, je me disais qu'à seize ans, je serai grande. Même avant que tu ne débarques, je savais que tu serais un tournant. Alors maintenant que je suis avec toi, j'ai compris pourquoi tu marquais tant les esprits. L'innocence est une facette de l'enfance et le déni est le masque des adultes. Tous deux camouflent la réalité. Et toi, l'adolescence, tu es une brèche entre les deux.

Tu ne t'es pas invitée tout de suite dans ma vie. Tu es apparue sous forme de peurs, de doutes qui ressortaient de mon enfance. Tu as mis le doigt sur ce sentiment de gêne face à certaines situations, tu as chassé le brouillard des incompréhensions. Cela a permis de dégager la vue. Le paysage n'est plus aussi beau qu'auparavant. Je ne peux plus imaginer ces formes comme des choses inatteignables, que les adultes appelaient problèmes.

Tu m'as ouvert les yeux sur des thématiques comme le féminisme, l'écologie et sa ribambelle d'injustices. Les vices des humains me sont dévoilés. Certains pourraient se désoler de me voir aussi impliquée dans ces causes mais ils n'ont pas conscience qu'après avoir chassé ce blizzard épais, il m'était impossible de me voiler la face. J'avais découvert un système qui ne profitait à personne. Tout le monde était touché. On me dit que je m'enferme dans une bulle. Mais au contraire, j'écarte la vision de mon monde.

On m'a dit que ça allait être brusque. Lorsque le coup de vent a déplacé cette brume, tu n'as pas cherché à laisser des parts d'ombre. Bien sûr, je ne peux voir plus loin que l'horizon et en fonction des chemins que je vais prendre, ils ne seront pas les mêmes que les autres.

C'est tout de même brutal. Comprendre que tout est complexe, c'est dur à assimiler. Nous ne sommes pas parfaits. Je suis dans ma réalité, dans mon rêve, qui n'est le même pour personne. Lors de cet après-midi de lutte contre les discriminations, je me suis surprise à affirmer mes idées. Tu avais fait une part du travail de débroussaillage. Ma construction se poursuit et je peux mettre des mots désormais sur ce qui m'arrive.

Je relativise sur mon existence paisible. Cela ne m'empêche pas de vouloir me battre. Je suis entre deux périodes. Je comprends pourquoi les adolescents sont si virulents. Tu es arrivée si vite. Voir toute cette violence d'un seul coup nous incite à nous rebeller.

Et quand j'affirme ma vérité, ma vision de la vie, je me construis, m'aventure dans des chemins glissants où j'en croise d'autres qui ne viennent pas du même endroit que moi. C'est dur de voir que notre notion de l'idéal soit remis en cause, que nos convictions soient mises à mal.

Tu es notre auxiliaire, tu nous as amenés à l'affirmation de soi, aux premiers débats, aux échecs, à la frustration.

Je sais que je vais me calmer à l'avenir, je vais comprendre comment utiliser mon énergie à bon escient (même si je sais que je vais encore me tromper). Mais en attendant, tu es là, tu poursuis ce nettoyage. J'ai envie de changer le monde mais ce n'est pas en allant parler avec 7 milliards d'humains. Le monde je vais le changer, car c'est le mien, mon monde intérieur qui évolue. Je vais faire de mon mieux pour que mon espace intérieur soit en accord avec mes valeurs, que je sois heureuse et j'ai les clés déjà en moi pour y parvenir. J'ai de la chance et je vais prendre cette base saine pour poursuivre une existence enrichissante.

21 mars 2019.

Apprentie OptimisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant