Chapitre 2

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Les batifolages n'avaient cessé que tard dans la nuit, aussi l'aurore avait-elle déjà laissé place au haut et rayonnant soleil de mi-journée lorsque les deux amants se réveillèrent. Les cheveux bruns d'Emily s'étalaient sur le torse nu d'Owen qui s'étirait de toutes ses forces, baillant à s'en décrocher la mâchoire. Il passa le doigt entre les mèches de cheveux jonchant son corps avant de les repousser du dos de la main. Il tourna ensuite le dos à sa favorite et revêtit une chemise blanche à toute allure.

- Pourquoi tant de hâte, Owen ? interrogea Emily, amusée.

- Je change de vie à quinze heures, clama-t-il avec un sourire indéfectible et malicieux.

- Que veux-tu dire par là ? s'enquit-elle en rassemblant sa sombre chevelure en une tresse reposant sur son épaule et sa poitrine encore nues.

- Je m'en vais chez mon oncle, Lord Hestmint, pour un mois. Comme tous les étés d'ailleurs. A chaque mois d'août, je m'enivre de joies mondaines avec lui, et parfois mon grand frère, Robbie Wayling de Baucay, avant qu'il ne parte il y a trois ans pour se marier.

Soit quelques mois après que son père n'ait passé l'arme à gauche. De sa propre main.

- Quelle chance tu as, Owen ! Mais dis-moi, Robbie s'est-il marié à une française ?

- Non, mais tu me fais penser que je n'ai encore jamais vu sa femme. Il est venu seul l'an passé. J'espère qu'elle est aussi jolie que celle qui occupait son lit avant son mariage arrangé. Me demandes-tu ça à propos du titre "de Baucay" ? sourit-il.

- Tu me connais donc par cœur, plaisanta-t-elle avec espièglerie.

- Ma famille a des terres en France, fanfaronna-t-il en aidant Emily à lacer son corset. Le domaine de Baucay appartenait à des protestants qui ont fui en Angleterre sous le règne d'Henri II. Avant même qu'Elisabeth I ne monte sur le trône !

- Comment se fait-il que vous ayiez cette ... condition alors ? hésita-t-elle en balayant du menton la chambre dénuée de décorations.

- Mon père était très joueur. Cette propriété française servira à rembourser ses dettes. Elle devrait être vendue prochainement.

- Et ton oncle n'a-t-il pas les moyens de vous héberger toi et ta mère alitée ?

Owen cligna des yeux sans répondre, fit un nœud au corsage et se releva. Tout en enfilant son bas, il cherchait quoi dire, enfin plutôt quoi inventer. Il est vrai que leur oncle avait fait cette offre par le passé à de nombreuses reprises lorsqu'il eut appris la condition misérable dans laquelle la famille de son frère vivait après la mort de ce dernier. Le père d'Owen avait caché leur détresse financière pendant si longtemps pour une simple histoire d'honneur ! Mais c'était sans compter sur sa mégère de mère qui avait juré sur sa vie de révéler qui était la cause du décès de son lamentable époux si Owen osait partir. Il était pieds et poings liés, à son plus grand désarroi.

- Arrêtons la discussion, si tu le veux bien, abandonna-t-il.

- Oh, bien entendu, répondit Emily perplexe.

Elle se mit debout, lissa sa jupe du bout des doigts et fit le tour du lit pour boutonner la chemise de son amant, tentant d'égayer son visage pensif en posant son front contre son menton rasé de la veille.

- Par où puis-je passer pour sortir sans croiser ta mère ? s'enquit-elle.

Les règles des amoureux étaient d'habitude tacites mais celle-ci n'aurait pas pu être plus explicite que lorsqu'Owen l'avait prévenue avant même d'entrer dans la masure. Quiconque était vu par la mère ne glisserait plus jamais sous les draps du fils ; décision de ce dernier. Il ne voulait pas que cette envahisseuse s'incruste encore plus dans sa vie qu'elle tenait déjà dans sa paume sans pitié.

IridescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant