Chapitre 8

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La valse se finit quelques minutes plus tard et Owen fut enchanté de pouvoir se débarrasser de l'affreuse emprise de l'envoûtante Charlotte.

- Owen ! l'appela son oncle. Miss Riverfield aussi, votre mère vous demande.

En effet, à quelques pas de la piste se tenaient Lord Hestmint et les parents de l'audacieuse. Tout en offrant son bras à leur fille, Owen s'avança vers eux. Il en profita pour examiner les géniteurs de la créature romanesque accrochée à lui. Lady Riverfield se donnait vraisemblablement des grands airs avec ses chapeaux ornés de plumes et de perles toutes plus grosses et ridicules les unes que les autres. Ses lèvres carmin étaient pincées sévèrement et ses petits yeux noirs scrutaient l'assemblée. D'ici pouvait-on voir qu'elle avait la critique facile et des bonnes manières trop conservatrices mais elle semblait dotée d'une grande intelligence. Malgré tout, elle avait une silhouette absolument remarquable pour son âge et les traits du visage fins et fort gracieux. Lord Riverfield, lui, était assez différent. Simple d'apparence, il n'avait rien de transcendant et de remarquable hormis un nez très droit et un ventre assez rond. Il paraissait d'une naïveté sans précédent et il était facile de deviner lequel des deux imposait ses idées et éduquait l'esprit de la petite Charlotte. D'ailleurs, voilà qu'elle et Owen arrivaient près d'eux.

- Owen, un courrier est arrivé pour toi. J'ai pris la liberté de le mettre dans ma poche quand le valet l'a apporté, expliqua Lord Hestmint. Tu semblais occupé. Le voici.

Il attrapa le papier tendu et le décacheta pour en voir la signature. Il ne put en lire plus, la conversation que Charlotte entretenait avec sa mère le faisant stopper sa lecture sur le champ.

- Le baron Sherton est arrivé. Calme-toi donc un peu et reste près de nous, la gronda sa génitrice.

- Mère, vous savez ce que j'en pense.

- Et ce n'est pas pour cela que ça m'importe, répliqua cette dernière, coupant la discussion.

- Père, dites quelque chose, murmura-t-elle au bedonnant Lord qui fixait le plafond, l'air contrit.

- Donne-lui au moins une chance, Charlotte. S'il te plait.

Elle croisa les bras, mécontente et se tourna vers Owen qui n'avait pas raté une miette de la conversation. Il venait de découvrir l'identité du fameux prétendant ! Il se rappelait avoir vu Charlotte se décomposer en entendant ce nom lors du petit déjeuner de la veille. Était-elle promise au frère de Lady Weminger ? Pareil imbroglio paraissait insensé !

- Oh, Monsieur de Baucay ? héla-t-elle le pauvre Owen qui tissait les liens entre ses amantes d'un soir et ses proies de demain.

- Oui ? dit-il en croisant son regard magnétique.

- Allez-vous commencer mon portrait demain ? s'enquit-elle précipitamment.

- Ne serez-vous pas occupée ? insinua-t-il. Une éventuelle rencontre avec votre fiancé ?

- Si. Par vous.

- Taisez-vous, insolente ! la sermonna sa mère. Le baron arrive.

La discussion avec la belle se finit là et Owen et son oncle ne purent s'empêcher de regarder la scène. Le frère de Lady Weminger était un peu moins grand qu'Owen et plus pataud. La finesse des traits de sa sœur contrastait énormément avec la grossièreté des siens. Il ne quitta pas des yeux sa prétendante et se noya dans ses yeux en colère. La mine de Miss Riverfield devint boudeuse, capricieuse et elle eut l'air tout à coup abattue. Ses yeux cherchaient secours et Owen évita à tout prix ce regard de détresse. Bien plus sensible que ses prunelles ne le disaient, il n'aurait pu supporter de voir une si belle créature s'enlaidir de désespoir. Elle se sentait prisonnière sous la poigne de fer de sa mère et sous les yeux lubriques de cet empoté de baron. Owen tourna le dos à la scène puis s'adressa à son oncle :

IridescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant