Chapitre 14

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La décision était sans appel : cet acte resterait emmuré dans cette chambre où régnait encore le parfum de la vertu envolée. Ellen se tourmentait et Owen ne savait comment la consoler. Non pas que ce ne soit pas dans ses habitudes de coucher avec de jeunes jouvencelles, mais plutôt qu'il ne s'excusait jamais à ce sujet. Ces dernières étaient consentantes, bon sang ! Il avait l'habitude des femmes criant leur plaisir dans la nuit et pleurant leur déshonneur au petit matin et il aurait pu faire comme à l'accoutumée, soit se rhabiller, embrasser la désavouée sur le front pour la consoler et s'en aller, mais il ne put faire ainsi. Cette fois-ci, la femme lui était chère et l'amitié d'Ellen était une des seules choses qui semblait lui rester maintenant que Robbie mettait tout en œuvre pour l'évincer. Les tambourinements à la porte des appartements le sortirent de sa rêverie.

- Owen, cache-toi sous le lit.

- Me cacher ? Vrai ...

- Sans discuter, le coupa-t-elle.

Elle, qui avait déjà revêtue sa chemise de nuit, lança à Owen son pantalon qui gisait encore au sol, comme preuve du crime de la veille. Il l'attrapa au vol et l'enfila sans poser plus de questions tandis qu'elle se mettait au lit, remettant les draps correctement sur elle.

- Miss Kinley ! appelait-on dans le couloir. Puis-je entrer ?

- Un instant ! Tu es bien caché ? murmura-t-elle à Owen.

- Oui, grommela ce dernier.

Elle l'avait emmené dans sa chambre et de plus, lui demandait de se dissimuler sous le lit. Comment avait-elle réussi à l'abaisser à ça, lui qui assumait tous ses actes, lui qui restait intransigeant sur l'heure de départ de ses amantes ?

- Entre, Nora.

- Bonjour Miss Kinley, la salua une domestique en une courbette appliquée.

Miss Kinley ? Owen, toujours en grand investigateur, nota ce nom dans un coin de son esprit. Il savait que c'était une piste pour éclaircir les mystères qui émanaient d'Ellen.

- Bonjour Nora. Mais que fais-tu ici de si tôt ? Tu ne viens jamais me réveiller avant huit heures normalement.

- C'est bien pour cela que je me hâte de vous prévenir afin que vous puissiez vous rendormir tranquillement pour l'heure restante, s'essoufflait-elle. J'ai encore le déjeuner à préparer et ...

- Que veux-tu ? s'enquit Ellen qui s'impatientait un peu.

- Votre invité a-t-il rejoint sa chambre hier soir ?

- Oui, vers minuit ! assura la Miss sans hésitation. Dès qu'il se sentit mieux, je le guidai jusqu'à son lit.

- Il a disparu, Miss.

- Tu en es sûre Nora ? Monsieur de Baucay a pour habitude de faire une promenade dans les jardins dès son réveil, pour profiter des premiers rayons. Tu devrais aller l'y chercher. Sinon, je ne vois pas où il pourrait être.

Mais quel baratin Ellen pouvait bien déblatérer ? Allait-il falloir qu'il passe par la fenêtre ? A cette pensée, Owen émit un léger rictus mais, allongé sur un tapis de poussière, il fut soudainement pris d'une envie d'éternuer. Il priait en son for intérieur pour que Nora déguerpisse, sachant qu'il ne garderait pas bien longtemps le silence.

- C'est entendu, acquiesça Nora. Et voici une lettre de votre oncle. Lord Hestington a dû partir pour affaires ce matin.

- Quand revient-il ? demanda Ellen en prenant la missive.

IridescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant