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Regardant par le petit hublot, je ne bougeais pas. Je refusais de me tourner là où ils avaient...

Recroquevillé sur moi-même, j'attendais. Je n'avais rien d'autre à faire. Et je n'avais pas la tête à réfléchir. Si je commençais, je reverrais les images de Han... Et sa fin funeste.

On avait passé de bons moments ensemble. Elle était drôle, mignonne lorsqu'elle se mettait en colère, insupportable quand elle jurait avoir raison, mais elle était vivante. C'était fini.

Je savais dorénavant que Taehyung était un vrai psychopathe. J'aurais préféré ne pas découvrir la vérité. Je devrai vivre en sachant que celui qui m'empêche de retrouver ma liberté est capable de tuer de sang-froid. Si encore ça s'arrêtait là... Non, il avait fallu que ce fou me colle cet enfoiré de Jimin pour me surveiller. Comme si j'étais rassuré...

Je savais que cet énergumène me scrutait avec attention. Chaque fait et geste serait certainement rapporté à mon kidnappeur, et tueur à ses heures perdues. C'en était fini de ma liberté, je ne pourrai plus jamais partir. Je serai enfermé jusqu'à la fin de ma pauvre vie.

- Mange, répéta une énième fois l'autre.

Je ne répondis rien. Je ne voulais plus parler. Encore moins à l'un des tueurs de Han.

- Je vais être obligé de te gaver si tu continues.

Je ne répondis pas.

- Tu pourrais te retrouver à la place de la gamine...

Han aurait pu vivre dans cette situation.

- Mange.

- Est-ce que vous avez décidé de me tuer aussi ?

- T'es profondément con ou juste désespéré ? demanda-t-il exaspéré.

- Qu'allez-vous me faire ? insistai-je.

Il ne répondit rien et me regarda.

- Quelle importance ? Tu pourrais être dans une situation bien pire. Sois reconnaissant.

- Pourquoi êtes-vous aussi froid ? lui demandai-je.

- Parce que j'en ai rien à faire de toi, gamin. Je suis pas Taehyung.

- Vous pensez qu'il en a quelque chose à faire de moi ? Bien sûr que non ! Et ce que vous avez fait à Han sous ses ordres le prouve bien.

Il attrapa mon menton.

- Peut-être, mais c'est grâce à lui si t'es toujours en vie. Il aurait pu décider de te tuer aussi ; t'es un témoin gênant dans toute cette histoire. Comment Taehyung peut garder un pleurnichard comme toi ? Si j'avais été à sa place...

- Tu n'aurais rien fait du tout, Jimin, coupa une voix que je ne connaissais que trop bien. Tu peux t'arrêter, je prends le relais.

Ledit Jimin se releva et se dirigea vers la porte. Taehyung ferma les yeux jusqu'à ce que l'orangé quitte les lieux.

- Jungkook... Tu n'as pas touché à ton assiette...

Je redirigeai mon regard vers le hublot et ne répondis pas. Je ne voulais pas voir Taehyung après ce qu'il venait de faire. Je ne voulais pas que nous soyons seuls tous les deux après ce qu'il s'était passé. Je sentais que je me mettais à trembler.

- Je me fais du souci pour toi, reprit-il. Tu as l'air triste. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Cette question me mit hors de moi. Je pris sur moi pour ne pas lui cracher à la figure toutes les insanités qui me passaient par la tête. Je ne lui parlerai plus. C'était quelque chose que j'avais décidé à la mort de Han.

- Pourquoi est-ce que tu ne parles plus ? Tu es malade ?

Il s'approcha de moi rapidement et s'échoua contre le lit.

- Tu es blessé ? Réponds-moi ! Je suis inquiet, Jungkook ! Dis-moi ce qui ne va pas !

Peut-être que je commence à devenir fou maintenant. Il change de personnalité si rapidement. Il me déstabilise. Mais je ne faiblirai pas !

- Retourne-toi vers moi. Jungkook ! Je t'en supplie !

Moi j'ai bien pu te supplier et ça n'a rien changé. Tu l'as torturée et tuée. Une personne aussi gentille qu'elle... Tu mérites de souffrir aussi.

- Regarde-moi...

Sa voix faiblit avant que le silence ne revienne. Ce silence était très pesant. Je savais qu'il attendait que je bouge mais je comptais bien rester immobile. Ne pas le voir, ne pas lui parler. On dit bien souvent qu'il vaut mieux ignorer quelqu'un que réagir. Cette colère froide est bien plus destructrice que n'importe quelle colère. Le vis-à-vis ne peut rien faire. Le mutisme dans lequel je m'enfermais allait lui paraître infernal.

Je sentis qu'il me touchait le bras et fronçai les sourcils. Je ne voulais pas avoir de contact avec lui.

Je balançai mon bras et envoyai valser sa main. Hors de question qu'il me touche !

Dehors, j'aperçus les branches des arbres trembler sous la force du vent. Un peu comme ma colère. Je me sentais envahir par la rage. Mais je ne ferai rien. Je me contrôlerai. Je ne lui montrerai pas à quel point je le méprisais. 

De toute manière, je n'ai plus rien. J'ai été dépossédé du seul objet qui aurait pu me servir, à savoir mon portable et j'ai perdu mon échappatoire. Je ne sais pas ce que devient ma mère et elle me manque. Je me souviens des plats qu'elle préparait lorsque j'avais le cafard ou quand j'étais malade et des activités qu'on faisait quand elle avait le temps (on fabriquait souvent des avions ou des bateaux parce que c'était "quelque chose pour apprendre à son petit garçon à voyager"), ou même des disputes que j'avais avec Han.

Des sanglots me parvinrent, brisant le silence de la salle. Je savais que Taehyung était en train de pleurer. Et ça me dégoûtait.

Je tournai la tête dans sa direction et le vis. Il y avait de nombreuses larmes qui coulaient sur ses joues puis sur les draps du lit. Cette vision me laissa de marbre. Comment pouvait-il se permettre de pleurer devant moi, aussi lamentablement ?! Je bouillonnais. 

Mais je repensais à ce qui s'était passé quelques heures auparavant et baissai la tête. Je ne voulais pas qu'il me voie pleurer aussi. J'avais déjà assez donné. 

Comme si ce geste lui était un signal, il se jeta sur moi et me serra fort contre lui, très fort, comme si sa vie en dépendait. En prime, il répétait sans cesse des "pardon" et "excuse moi". J'étais encore plus bouleversé.

- Ne me laisse pas... Ne me laisse pas... J'ai besoin de toi...

Toc toc. Qui est-ce ? Le désarroi. 

Kim Taehyung, je te hais.

PsychoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant