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pdv vana

La mère de Jordan se dirige vers moi dès qu'elle m'aperçoit puis elle me prend immédiatement dans ses bras. Je la sens pleurer sur mon épaule, et je voudrais bien faire de même mais je crois que j'ai plus de larmes dans mon corps. On s'éloigne un peu toutes les deux et on marche en discutant, je sais que ça lui fait du bien d'en parler donc je la laisse faire et l'écoute, même si je dois avouer que je préférerais ne pas en parler. C'est pas ma manière à moi de faire mon deuil, mais si ça peut aider sa mère, je suis là pour ça.

- Tu sais, je t'ai jamais remercié pour tout ce que tu as fait pour lui, et je veux pas que tu penses que t'es fautive, me dit-elle. Au fond je savais bien que t'allais pas être là éternellement.

Je fronce légèrement mes sourcils. Elle m'assure que c'est pas de ma faute puis elle insinue que ça l'est d'une certaine manière. Elle savait que mon absence allait le rendre plus mal que jamais pourtant elle a pas essayé de prendre des précautions.

J'essaie d'arrêter de torturer mon esprit et je retourne finalement devant l'église. J'observe un peu les gens présents autour, qui ignorent très certainement le tiers de ce que Jordan avait à endurer. Je rejoins mes amis et mon frère avant d'entrer dans l'église, et Eden fait glisser sa main dans la mienne. Je peux le faire.

La cérémonie prend fin quelques temps plus tard et je me dirige une dernière fois vers la mère de Jordan pour lui dire au revoir. Je me tourne vers Maeva, sa grande soeur, qui fond en larmes dans mes bras.

- Je vais à l'appartement pour trier ses affaires, dit-elle après s'être calmée, tu viens avec moi ? Au cas où tu voudrais garder quelque chose ou quoi.

J'accepte après avoir réfléchi quelques secondes et j'envoie un message à mon frère pour leur dire de partir sans moi. Je suis Maeva jusqu'à sa voiture, mais elle verse encore des torrents de larmes et c'est hors de question qu'elle prenne le volant.

- Je vais conduire, je peux pas te laisser rouler dans cet état.

Elle hoche la tête et je monte derrière le volant tandis qu'elle vient se mettre côté passager.

- T'as finalement eu ton permis alors, félici...

- Non, je la coupe en démarrant la voiture.

Elle tourne sa tête vers moi mais ne fait pas de commentaires. Je pense que c'est le cadet de ses soucis en ce moment, puis l'appartement de Jordan n'est pas très loin.

- Tu sais je m'en veux beaucoup, commence-t-elle, avec ma mère on t'a laissé un énorme poids sur les épaules pendant un an, tu méritais pas ça pourtant t'es restée et je t'en remercie.

Je mords nerveusement ma lèvre en restant concentrée sur la route. Maeva et sa mère n'arrivaient plus à gérer Jordan, j'étais la seule qui y arrivait d'une certaine façon, j'étais la seule à m'occuper de lui, sans aucun soutien de sa propre famille et ça a dû être encore plus dur pour lui.

- C'était pas à toi de le gérer, je sais que j'ai pas le droit de te dire ça maintenant mais je veux pas que tu te sentes responsable pour ce qui est arrivé. Tu l'es pas Vana, promets moi que tu penses pas que c'est de ta faute s'il te plaît.

Je prends une légère inspiration pour chasser les larmes qui essaient de se former aux coins de mes yeux.

- Promets le moi Vana, insiste-t-elle.

J'arrive seulement à hocher la tête faiblement, et elle s'en contente, même si je sais qu'elle est pas convaincue, tout comme moi.

On arrive enfin à destination une quinzaine de minutes plus tard, je la laisse ouvrir la porte puis je pénètre dans le salon. A peine un pied dans la pièce, je ressens une forte pression au niveau de mes poumons et j'essaie de me calmer en me concentrant sur ma respiration. Je tourne ma tête et j'aperçois des morceaux de verres réunis dans un coin de la pièce, je fais directement le rapprochement avec le vase qui s'était brisé ici même dans mon dos. Je suis prise de vertiges, et une forte sensation de malaise s'empare de moi aussitôt. Il faut que je sorte d'ici.

Je suis calée contre l'épaule de ma mère sur le canapé quand la porte d'entrée s'ouvre en grand sur Kylian. Il salue tout le monde présent et je me lève pour le rejoindre. Il m'embrasse la tempe puis me suit dans la cuisine.

- Tu veux boire quoi ? je demande en ouvrant le frigo.

Je lui sers un verre d'eau à sa demande puis je m'assieds directement, sentant ma tête tourner une nouvelle fois.

- Ça va pas ? demande-t-il quand il voit que je me tiens la tête entre les mains.

Je lève mon pouce pour le rassurer mais ça n'a pas l'air de marcher parce qu'il me force à aller dans ma chambre pour m'allonger, ce que je fais sans broncher.

- T'as mangé quoi aujourd'hui ?

Je souffle, sachant que ma réponse ne va pas lui plaire. J'ai déjà eu cette discussion avec chacune des personnes m'entourant et je veux surtout pas que ça se répète avec lui. La perte d'appétit se manifeste souvent après un traumatisme lié à un décès alors je m'inquiète pas trop pour l'instant, ça devrait passer. Les nausées régulières me crient de manger mes trois repas par jour mais je peux pas le faire sans tout vomir quelques temps après.

- Vana tu manges déjà pas de viande alors si tu te mets à rien manger du tout on va pas s'en sortir...

Je baisse les yeux et il sort précipitamment de ma chambre avant de revenir quelques minutes plus tard, une assiette que ma mère m'avait préparée plus tôt dans les mains.

- Mange, m'ordonne-t-il.

Je prends la fourchette contre mon gré, et prends une première bouchée sous son regard attentif. J'ai l'impression de me faire assister et j'aime pas du tout. Je prends néanmoins plusieurs bouchées jusqu'à ce qu'il soit satisfait puis je pose l'assiette sur ma table de chevet avant de m'allonger de nouveau.

- Demain on part, que tous les deux.

Je tourne ma tête vers lui, qui est accroupi en face de moi.

- On va où ?

- Bahamas, répond-il.

Je fronce les sourcils et me redresse d'un coup.

- Mais t'es fou ou quoi ?

- On part tous les deux je te dis, ça te fera du bien et t'en as besoin, tout est déjà préparé et ta mère est au courant, explique-t-il.

J'entrouvre les lèvres, n'en revenant pas. Il tente un sourire rassurant et je l'attire contre moi en enroulant mes bras autour de sa nuque, je le serre fort en le remerciant. Je m'attendais à ce qu'il me dise qu'on bougeait dans Paris ou quelque chose du genre, et il m'annonce qu'on traverse l'océan atlantique dès demain. Cet homme est un grand malade.

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numéro sept - kylian mbappéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant