Chapitre 4

77 4 0
                                    

J'ai apporté les verres, t'en ai tendu un, me suis assise à côté de toi et t'ai observée. Toutes les deux, les jambes repliées sur les coussins, nos verres de Get 27 à la main, le silence nous rapprochait encore une fois. Il y a eu un son, que je n'ai pas réussi à identifier puis tu as parlé :
-Hé...Je vous parle!
C'était ça le bruit ? Merde, qu'est ce que tu as dit ?
- Je... oui, pardon, j'étais ailleurs...
À vrai dire, j'étais perdue dans tes yeux. Ils me happent, m'attirent et j'ai du mal à y résister. Tu es vraiment belle. Oula.. le mélange d'alcool n'est vraiment pas bon. Depuis combien de temps je n'ai pas bu d'eau ?
- Je vois ça ! Tu ris de moi encore une fois. Je dois te sembler maladroite. Je demandais votre nom.
-Ben... oh, on ne s'est même pas présentée !
Quelle conne, mais quelle conne! Ce n'est plus maladroite là, cest carrément idiote!
Tu te lèves alors et me tends ta main. Je reste immobile quelques secondes avant de comprendre ce que tu attends de moi. Je te sers la main et tu déclare :
-Jasmine Harrigton, enchantée. Vous êtes ?
Je souffle du nez. Cette situation est ridicule. Ridiculement drôle.
- Esther Dupont, enchantée Jasmine.
Les yeux riants, tu t'assois et, après avoir avalé une bonne gorgée du liquide vert, tu reprends la parole, une pointe d'amusement dans la voix :
- On pourrait peut être arrêter le vouvoiement maintenant?
- C'est pourtant toi qui a commencé, je te dis sur le même ton.
- J'ai appris à parler poliment avant tout!
C'est vrai que c'est bien mieux comme ça! Tu souris, une nouvelle dose d'alcool vient brûler mon oesophage.
-Harrigton, c'est américain ça ?
-Britannique. Je suis née là bas, puis j'ai quitté Londres à mes 15 ans.
- Du coup c'est plutôt "Djazmine"?
Tu ris encore, à gorge déployée. Ce cou... Ok faut que je me reconcentre.
- Oui, mais je me suis habituée à la France, j'ai compris que c'était inutile de préciser la bonne prononciation.
Nous rions toutes les deux et buvons une autre gorgée.

Pourquoi j'ai pris du Get ? Ça se boit beaucoup trop facilement, je vais finir ivre, si je ne le suis pas déjà! Après cette énième dose, je pose la question qui me turlupine depuis la terrasse.
- Et, je me demandais...
-Mmh? Tes lèvres s'éloignent du verre.
- Cette Vi, c'est qui?
-Virginie ? Oh pas grand chose...J'ai peut être eu des sentiments pour elle à un moment.. Mais je n'ai pas vraiment d'endurance émotionnelle, je m'étais lassée de toute manière.
Je te fixe, ébahie. C'est affreux, elle a dû souffrir. Comment as tu pu lui mentir? Pourquoi lui as tu mentit?
- Je sais que ça peut sembler un peu... abrupte et froid de dire ça... Mais elle n'est pas parfaite non plus. Elle enchainait les crises de jalousie, se disait folle de moi et embrassait chaque garçons qu'elle voyait intéressé.
-C'est super bizarre comme relation! je m'exclame.
Tu lèves les épaules en acquiesçant:
- Je sais. Pour elle j'étais sa colocataire, avec le sexe en plus évidemment.
- Et elle était quoi pour toi ? Un truc dont tu t'étais lassée ?
Je t'avais répondu sèchement, agressivement, du tac au tac, manquant de te couper la parole. Tu regardes le fond de ton verre en comprenant celui de ma pensée.
- La vie ce n'est jamais tout blanc ou tout noir. Chacune a sa part de responsabilité et j'assume la mienne. Elle était toxique pour moi mais je l'ai laissé profiter de moi en profitant d'elle. Si les choses doivent s'arrêter, elles s'arrêtent.
Tu marques une pause. La vue de brouille une seconde, j'ai une bouffée de chaleur, mon coude manque de glisser du canapé : mon cerveau est imbibé d'alcool. Je te devisage. C'est une façon de penser très différente de la mienne. Je me bats toujours pour conserver les relations, ou au moins rester en bons termes. Même si je devrai parfois être beaucoup plus efficace.
- Et si les choses doivent commencer, elles commencent, non?
Explosion de chaleur dans ma poitrine. Tu parles bien de notre situation là ? Nan parce que cette simple phrase me donne envie de me jeter sur toi. Immédiatement.
Non, Mathis, mes principes. Je ne veux pas être coupable de tromperie. Il faut que je me canalise. Je cherche toujours à être en bons termes avec tout le monde, non? Un séparation après un adultère se finit rarement de la meilleure des manières. Tu me détaille avec insistance. Mon regard est sur tes lèvres, le tien sur les miennes. Je discerne un léger rapprochement de nos visages. Quelques centimètres... Jasmine...

Brusquement, je me lève, le contenu de mon verre disparaît d'une traite dans la gorge. Je tends ma main vers toi et déclare beaucoup trop fort :
- Je... ton verre est vide ! Tu veux autre chose ?
Tu ne tourne pas la tête vers moi, tes yeux se ferment et tes lèvres s'entrouverent. Tes incisives s'y enfoncent. Ton visage pivote et tu me remets ton verre avec un sourire forcé. Tu ne cherches même pas à dissimuler ta déception. Évidemment tu y as cru, autant que moi. Je ne peux pas Jasmine, je suis désolée.
-Une bière, si tu as s'il te plait.
-Bien sûr. Je reviens.
Je repars vers la cuisine. Ma mâchoire contracté. J'ai tellement envie de toi mais... je ne peux pas, mes principes, t Mathis... Je sors une bouteille et deux petites choppes du frigo. C'est mon père qui les met ici "Une bière fraiche ne vaut rien dans un verre chaud!" pour le citer. Je pose les contenants sur le plan de travail et ouvre le tiroir pour trouver le décapsuleur. Mais il est où putain?!
Ok. Il faut que je me calme. Pourquoi je suis tendue comme ça ? Évidemment je sais pourquoi ! Tu es là, tu en as envie, moi aussi, et je ne fais rien. Je t'empêche même. Il est où ce de décapsuleur ?!
-Tiens.
Je sursaute et me retourne. Tu es adossée au cadre de la porte et me tends un couteau suisse. Je l'attrape en te remerciant. Et bien, c'est un sacré couteau suisse! Le bois semble rare et de bonne qualité... Je te tourne à nouveau le dos pour ouvrir la bouteille. Ça m'arrange, je n'ai pas envie d'affronter ton regard que je devine sur moi.
- Tu y tiens vraiment à ce Mathis?
Oh non. Ne commence pas je t'en supplie. Tu vas me faire craquer
J'étais déjà sur le point de t'embrasser il y a quelques instants. Mes joues s'embrasent, mais tu ne peux pas le voir. La capsule cède.
- Pas vraiment, pour être honnête, mais j'ai des principes.
- Parce que moi je n'en ai pas ?me rétorque tu.
- J'ai pas dit ça... On a des principes différents c'est tout.
Un silence s'installe. Je verse ne liquide blond dans les verres. Mince, y'en a pas assez. Je me penche à nouveau vers le frigo et me saisi d'une autre bouteille alors que je vois ton regard sur mes fesses. Je me racle la gogre et tu détourne le regard en te grattant le cou. Nouveau silence. La fenêtre en face de moi laisse entrevoir les quelques lumières d'extérieur qui illuminent les galets blancs bordant la piscine. Je prends le couteau suisse à nouveau.
- Il a des principes aussi ce Mathis ?
Touchée. J'ignore s'il a quelque chose à foutre de la fidélité. Il considère sûrement qu'il échappe à ce concept. La seconde capsule cède à son tour, une fine fumée s'échappe de la bouteille. Je garde le silence. Ta voix s'échappe doucement de ta gorge et arrive jusqu'à mes tympans comme un chuchot:
- Je vois...
Je remplis le reste de la choppe, me retourne et te la tends. Je prends la mienne et prends appui avec mon bassin sur la table. Nous nous regardons en silence. Tu apporte le liquide à tes lèvres, de la mousse s'y attarde jusqu'à ce que tu la déloge à l'aide de ton index. Voyant que je détaille ton geste avant de laisser mon regard sur tes lèvres pulpeuses tu déclare d'une voix basse:
-J'aime beaucoup les tiennes.
Tu t'approche et passe une main dans mon dos. Nos bouches sont si proches que je sens ton souffle sur mes lèvres. Tu souffle :
- May I?
Je te regarde fixement, dans les yeux. Jasmine... Je t'en supplie !

Tes lèvres approchent doucement des miennes et ne font que les frôler dans un premier temps. Ensuite, je peux sentir le goût de bière de tes lèvres. Finalement, nos langues se mêlent, mes mains s'ouvrent, ma choppe tombe au sol. Je prends ton visage de mes mains maintenant libres et te poussent vers l'escalier qui mène à l'étage, à ma chambre, à mon lit.

■▪▪▪■▪▪▪■▪▪▪■▪▪▪■▪▪▪■▪▪▪■▪▪▪■▪▪▪■▪▪▪■▪▪▪■▪▪▪■
Image:
"Valentine", Marcus Marritt
(extraite de Walli)

Nous sauver de nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant