Il est arrivé lentement, très lentement. Allongée sur le matelas de cet hôtel, je te regarde dormir.
Ce matin, le soleil d'hiver plonge la chambre dans une lumière si douce que je ne peux pas lui en vouloir de m'avoir réveillée. Surtout qu'il t'épargne avec pour complice l'ombre du cadre de la fenêtre. Enfin, de la baie vitrée qui donne sur Hyde Park, selon ce que tu m'as dit hier. Dans cet hôtel où tu es connue comme fille du patron, dès notre arrivée nous avions été prises en charge. Le directeur d'hôtel étais venu te saluer avant que tu me le présente comme un ami d'enfance, comme un frère. Jules, ami très proche. Je tâcherai de m'en souvenir. Il avait eu la délicatesse, devant nos mines fatiguées, de nous laisser monter seul dans l'ascenseur après nous avoir donné des clefs.
A côté de toi, nos valises nous séparant dans cet ascenseur luxueux, des glaces sur toutes les parois. Je m'étais mise à sourire. Dix jours, j'avais dix jours avec toi à Londres. Je flottais dans cet ascenseur et posant mon regard sur toi. Le 16 décembre sera une date à marquer au fer rouge. Ta main s'était glissée dans la mienne en même temps que tes lèvres s'étaient courbées, sans même que tu ne m'aies regardée, sans un mot. Cet ascenseur n'avait pas été la seule chose qui nous avait fait quitter le sol pendant quelques secondes.
Une fois dans la chambre, j'en avais fait le tour tandis que tu t'étais précipitée dans la salle de bain pour prendre une douche en criant que tu y passerais en prioritaire. Pour moi, la question en s'était même pas posée. Ma curiosité avait pris le dessus et contrairement à toi, je ne connaissais pas les lieux. C'était une chambre d'hôtel luxueuse mais aussi sobre, végétale. Dehors, la nuit était déjà tombée en ce début de soirée. J'étais exténuée. Je tournais dans les différentes pièces de la chambre d'hôtel, une sorte de hall, un petit de salon qui donnait sur une chambre où culminait un lit king-sized sur une estrade d'un mètre de hauteur environ, peut être un peu moins, assistée par quatre marches tout autour de l'estrade. C'était pour sûr un hôtel d'excellence. Tout était parfaitement entretenu, pensé, décoré, organisé. En tant que fille de mon père, concurrent du tien -je le savais après notre discussion dans l'avion- je connaissais mon sujet. Après avoir fini mon tour, je m'étais installée sur une des marches menant au lit, en face de la baie vitrée. Londres au crépuscule, c'était beau. Mais ta sortie de la salle de bain m'avait finalement poussée à y entrer pour me laver moi aussi. Après avoir pris mes affaires dans ma valise, je m'étais enfermée dans la salle de bain, et j'avais ri sous l'eau. Qui devenais-je? Moi-même, certainement.
En sortant de la salle de bain, je t'avais trouvée assise là où je l'étais quelques minutes plus tôt, devant Londres submergé de lumière, en jogging gris et débardeur blanc. C'était la première fois que j'avais le temps de te voir en pyjama, puisque nous n'avions jusque là pas l'habitude d'être très vêtues une fois dans un lit. Je m'étais installée sous la couette sans avoir oublié de lâcher un soupire d'aise en m'installant sur le matelas plus qu'agréable. Tu t'étais levée pour faire le tour du lit, t'installer sous la couette et d'un accord tacite, nous nous étions toutes deux tournées vers la ville, tu m'avais prise dans tes bras et sans autre bruit que ton souffle ma peau, que les battements de mon cœur contre toi, nous nous étions endormies.
Cette nuit-là, comme la grande majorité depuis cet été, avait été agitée. Toujours le même type de cauchemars. L'agression, qui repasse en boucle dans ma tête, ta voix qui leur somme d'arrêter, le son des coups contre ton corps, de leur rires, la douleur de mes blessures. Je me réveillais le cœur battant à la chamade, en sursaut, en sueur. Pendant une fraction de seconde j'avais essayé de comprendre où j'étais, puis où tu te trouvais. Pas à côté de moi, le lit était vide. Je m'étais retournée dans mon sommeil, alors je me retournais vers la baie vitrée et posa mon regard sur toi au moment où tu t'étais retournée. Je ne sais pas ce qu'il y avait dans mon regard, mais cela t'avais poussée à te hâter de monter l'estrade pour me prendre dans tes bras. J'avais inspiré profondément au creux de ton cou et t'avais entendue chuchoter :
- Un cauchemar ?
J'avais légèrement hoché de la tête et tu avais continué :
- Moi aussi.
- A propos de cet été ?
- Entre autres.
Je sortais de tes bras et te regardais dans les yeux. J'apercevais là une douleur que je n'avais jamais encore décelée. Je prenais conscience que tu n'avais certainement pas eu une vie aussi simple que ce je m'étais imaginée. Et si j'étais passée à côté, cette évidence était maintenant criante, pourtant tu ne semblais même pas la voir m'apparaître. Dans tes yeux qui trahissaient cette faiblesse cachée entredeux nuances de vers, je tombai encore une fois. Le temps s'était peu à peu ralenti, peut être même arrêté. Encore une fois, un murmure s'échappa de tes lèvres :
- Tout ça ne te fera plus mal un jour.
Tu m'avais alors embrassée, tendrement, lentement. Quelque chose s'était tordue dans mon ventre quand je t'avais rendu ce baiser. Progressivement, nous nous étions de moins en moins enclin à parler. Pourtant, je m'étais détachée de tes lèvres puisque le courage de te dire ce qui me trottait dans la tête depuis une certain temps m'était venu. Tu m'avais regardée pendant quelques secondes avec une puissance verte que je ne trouverai jamais nulle part ailleurs que dans tes yeux. Puis j'avais enfin réussi à articuler :
- Jasmine, je crois que je t'ai...
J'avais été coupé par tes lèvres qui s'étaient reposées sur les miennes, presque comme pour me faire taire. Mais ta main dans le bas de mon dos m'avait invitée à ne pas revenir à l'assaut et à te laisser m'allonger sur ce lit, ce que je fis volontiers. Nos corps dansèrent ensemble, entremêlant nos esprits comme nos doigts. C'était doux, lent, tendre, appliqué. Nous faisions l'amour comme un baiser, sans avoir notion du temps, sans vraiment vouloir s'arrêter, sans réussir à se connecter à rien si ce n'est le corps de l'autre. Je me souviens avoir oublié comment penser, ou respirer. Et de temps à autres, retrouver mon souffle dans ton parfum, t'embrasser, te toucher et puis oublier le tempo de mon cœur. Aussi délicatement que notre danse, nous nous étions rendormies, nos peaux nues l'une contre l'autre, sans un mot de plus.
Ce matin, le soleil d'hiver plonge la chambre dans une lumière si douce que je ne peux pas lui en vouloir de m'avoir réveillée. Surtout qu'il t'épargne avec pour complice l'ombre du cadre de la fenêtre. Une espèce de joie s'est emparée de moi en te voyant à mes côtés. M'en lasserai-je un jour? Certainement pas. Il est arrivé lentement, très lentement. Allongée sur le matelas de cet hôtel, je te regarde dormir, un sourire collé aux lèvres, sans trop vraiment connaître l'heure. Il est arrivé lentement, très lentement ce sourire. Pas à pas il a progressé sur mon visage devant ta sérénité. Ton visage complètement relâché, tu perds une vingtaine d'années et arbores un visage d'enfant. Sans que je ne m'en sois rendu compte, ce sourire s'est installé. Je te contemple pour quelques minutes encore avant que le soleil perde son allié et te noie sous ses rayons. Tes yeux frémissent légèrement avant de s'ouvrir. Après quelques secondes de réveil, tu me souries largement et te mets à rire. En te suivant, je te demande ce que tu as et pour seule réponse, d'un bond, tu t'installes à califourchon sur moi et crie :
- Ma petite amiiiiie !
-T'es con, Jaz.
Tu continues à rire en t'agrippant à moi comme un koala sur son arbre. Ce qu'il peut être doux ce rire. La lumière est douce, la température est douce, ta peau est douce.
Ce que l'amour peut être doux.
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Merci beaucoup pour la lecture, n'oubliez pas l'étoiles si ça vous a plu ;)
Je m'excuse pour les longues périodes d'inactivité... Enfin je m'excuse auprès de mes deux lecteurs ptdr je me prends pour qui ?
Bref bisous les pitous, à bientôt j'espère!
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@undemimonde●••●••●••●••●••●••●••●••●••●••●••●••
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Nous sauver de nous
Romance"J'ai toujours écris pour les autres, mais aujourd'hui ce que j'écris c'est pour toi, pour nous. Pour nous sauver de nous." Retrouver ses yeux verts. Son sourire en coin. Ses lèvres et son âme. Voilà les objectifs d'Esther lorsque sa relation compl...