Richard a bien sûr tenu à ce que je m'allonge dans leur chambre d'hôtel avant de repartir au travail. J'ai enfilé un peignoir. Mon mascara a coulé sur mes joues en mode panda dépressif.
Richard prend place sur le lit à côté du mien.
- Pourquoi t'es partie ?
Je lui raconte les raisons qui m'ont poussé à fuir, en éludant certains détails. C'est quand même mon père, autant garder un peu de mystère sur ma vie sexuelle.
- Tu es toujours amoureuse de lui ?
- Disons, que je ne suis pas complètement désintoxiquée.
- Il devrait mettre des barrières aussi. Il est marié et papa.
Il connait Kévin depuis des années mais prend spontanément mon parti. Je me sens presque obligée de le défendre.
- Il n'a pas tous les torts, non plus.
- Et Cédric ? Il a une place dans tout ça ?
- Bien sûr. C'est avec lui que je veux faire ma vie.
- Dans ce cas on a eu tort de faire ce voyage ensemble.
- Qui en a eu l'idée ?
- Devine ?
- Kévin ?
- Non ! Moi. T'en n'as que pour lui ! Gronde t-il. Mais j'aurais du venir te voir seul.
Il a tout compris et à mon soulagement, ne me juge pas après mes confidences. On frappe. Kévin nous rejoint. Habillé, cette fois. C'est déjà mieux.
- Je vous laisse discuter, dit Richard en s'éloignant. Il referme la porte derrière lui.
- Qu'est-ce qui t'es arrivé ? Demande Kévin accroupi devant moi près du lit.
- Ca ne s'est pas vu ? Je suis lamentablement tombée dans la piscine, j'ironise.
- Je ne parle pas de ça. J'ai eu l'impression qu'après tu te laissais sombrer volontairement. L'espace d'un instant, tu m'as fait peur.
Je préfère garder le silence plutôt que d'admettre que l'idée m'a traversé l'esprit.
- Attends. Viens là. Reprend t-il en m'entrainant vers la salle de bain. Il prend du coton, du lait démaquillant contenu dans un flacon miniature de l'hôtel et commence à retirer consciencieusement les traces de maquillage sur mes joues. Je n'aime pas te voir triste.
- Il ne fallait pas venir dans ce cas. Je commençais juste à me reconstruire. Pourquoi tu viens tout bouleverser ?
- Je te l'ai déjà dit. Je ne peux pas vivre loin de toi.
- Et c'est quoi ton projet ? Me ramener de force dans tes bagages ? Je n'ai pas envie de partir d'ici.
Il va se rassoir sur le lit et reste pensif.
- C'est parce qu'on a failli faire l'amour ? Rien que ces mots sortant de sa bouche me troublent. On a fait une terrible erreur mais est-ce qu'on doit vivre à dix milles kilomètres l'un de l'autre, ne plus se voir et gâcher tout ce qu'on a vécu avant ? Je ne compte plus pour toi ?
Il semble vraiment malheureux ce qui exacerbe mon sentiment de culpabilité toujours latent. Je le rejoins sur le lit. Il est temps de faire preuve d'un peu de maturité.
- Tant qu'on sera toujours attiré l'un par l'autre, il est préférable qu'on évite de se voir, en effet. T'es marié et je suis en couple. Aucun des deux n'est disponible. Relation sans issue. Bon, je vais récupérer mes vêtements dans la salle de bain et te laisser profiter de ton séminaire tropical.
Je sais que c'est cruel. Comment peut-il profiter de son séjour alors que je viens de l'éconduire ? Depuis la salle de bain, j'entends une porte claquer, il a du quitter la chambre par dépit. Je suspends le peignoir et m'apprête à enfiler mes habits encore humide. Pas grave, vu la chaleur extérieure, ils sécheront sur moi. C'est seulement une fois seule que je prends conscience du luxe de l'endroit. Une baignoire spacieuse, la faïence dans un camaïeu de brun et de beige. Les appliques contre le mur diffusent une douce lumière tamisée... qui en prime est réglable ! Ce n'est pas avec ma modeste paie que je pourrai me payer une nuit ici. Si j'en profitais... ne serait-ce qu'une fois ? Je me fais couler un bain, lance la musique sur mon Smartphone et me glisse dans l'eau. J'essaie tout un tas de sels qui sont à disposition sur l'étagère. Ca mousse. Il y a même une fonction jacuzzi avec différents jets. Je commence à me détendre et ferme les yeux. L'image de Kévin sortant de la piscine s'impose à moi. Je tente d'y superposer celle de Cédric. Mais la précédente persiste. Ca passera. Ici toute seule, je ne fais rien de mal. Inoffensive. C'est alors que la porte s'ouvre brusquement sur Kévin. Il me tire de ma rêverie. Sur son visage, l'affolement se mue en soulagement.
- On ne t'a pas appris à frapper ?
- Avec tout le temps que tu mettais pour te rhabiller, j'ai eu peur que... tu fasses une bêtise. Comme toute à l'heure.
N'étant plus dans le même état d'esprit, je mets un moment à comprendre où il veut en venir.
- Rassure toi, je ne cherche pas à me noyer.
Il s'agenouille auprès de la baignoire et saisit ma main.
- Heureusement. J'ai flippé !
Il est touchant de se mettre dans des états pareils. Je réprime difficilement un sourire.
- Tu te moques de moi ? demande t-il.
- Non. Au contraire. C'est mignon.
Il dépose une bise affectueuse sur mon front. Il me semble presque retrouver la relation qu'on avait avant. La musique est interrompue par une sonnerie qui me rappelle un rendez-vous à l'agence du sud de l'île. Merde ! Complètement oublié.
Je me lève en trombe, choppe un drap de bain, enjambe la baignoire, me frotte à la va-vite, indifférente à sa présence. Il m'observe, interdit, assis sur le rebord de la baignoire.
- Tu vas où ?
- J'ai un rendez-vous de boulot. Je me sauve.
- T'as oublié ça aussi... Il me tend mon soutien-gorge alors que j'ai déjà enfilé mon tee-shirt. Peu importe, le dress code sur l'île est moins exigeant qu'en France. Je le récupère quand même et l'embrasse sur la joue en partant.
- Tu diras au revoir à Richard pour moi.
Les minutes s'égrainent me rapprochant périlleusement de l'heure de mon rendez-vous. Je dois rencontrer un tour opérateur qui propose des escales sur l'île à ses croisiéristes. Si les retombées locales sont modestes, cela peut permettre à l'agence qui m'emploie de figurer en tête de liste sur les moteurs de recherche et d'acquérir une meilleure visibilité. Une opportunité à ne pas négliger donc. Je dois ralentir mon allure, un bouchon s'est formé sur la voie « rapide ». En cette heure de sortie de bureau, c'est un problème quotidien que j'aurais dû anticiper. Je n'ai plus qu'à prévenir mes collègues de l'agence de mon retard. Je patiente dans la voiture au ralenti. Au moins à cette heure, la température semble perdre quelques degrés. Un léger vent se lève chassant la chaleur étouffante. J'éteins la climatisation, descend la vitre et m'allume une cigarette. J'ai promis à Richard de réduire, pas d'arrêter complètement.
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L'audacieuse Sofia Capriaglini Tome 3 : délit de fuite
Chick-LitJ'ai pris la fuite au bout du monde, loin de Kévin dans l'espoir de mener une vie sereine auprès de Cédric mais c'est sans compter sur l'obstination de mon ex-demi-frère et de Richard pour me ramener près d'eux. Un périple tropical nous attend. Le p...