L'audacieuse Sofia Capriaglini Tome 3 : délit de fuite

16 - L'accusation

J'appréhendais la reprise du travail avec des remises en questions du style : serais-je toujours à la hauteur du poste après ces mois d'absence ? La réalité est encore plus anxiogène. Lundi était férié, répit momentané, mais ce mardi matin, face à Richard et Kévin, assis côte à côte dans le bureau Do Sacramento, je suis quitte pour assumer. Ils m'ont convoquée dès mon arrivée au cabinet. A leur mine grave, je m'attends au pire. Kévin décide de m'exposer l'objet de ma présence face à eux.

- Marine m'a prévenu dès hier après-midi. Une bagarre au Stygmatus, cela te dit quelque chose ? Donc, la victime, Samuel Baugas, trente deux ans, traumatisme crânien, entaille du cuir chevelu ayant nécessité dix points de suture. Incapacité totale de travail de dix jours. On a récupéré la copie du certificat médical. C'est toi qu'à porté le coup ?

Je connaissais une partie des suites : j'ai passé mon dimanche à guetter les infos sur le net à la recherche d'une bagarre ayant mal tourné dans un bar. Le type s'en est sorti, c'est déjà cela. Bien sûr, je n'en n'ai parlé à personne.

- Il voulait planter ta femme avec un couteau ! je me défends. Il puis, il n'est pas mort ce connard !

- Heureusement... Pour toi ! Insiste-t-il.

Kévin est par ma faute dans une situation délicate. D'un côté, j'ai défendu sa femme, de l'autre, je mets le cabinet en difficulté. Si je suis condamnée, je ne pourrais plus exercer ici. Et par-dessus tout, j'entache leur réputation.

- Je suis désolée.

- On va te trouver quelqu'un pour assurer ta défense. Il pourra plaider la légitime défense, me rassure Richard.

- Comment cela quelqu'un ?

- Kévin et moi on est trop proches de toi pour te défendre. Nicolas Guibert, refuse tout ce qui s'éloigne des affaires commerciales. On a des confrères, ne t'inquiète pas.

Les larmes me montent aux yeux. Cela ne suffit visiblement pas à susciter la compassion de Kévin.

- Tu va faire l'objet d'une enquête. J'ai ici la note du bar : dix demis de bière, deux bouteilles de Vodka, quatre cocktails au rhum. Tu te bourres la gueule dans un bar, tu t'exhibes debout sur une table et t'assommes un mec. Tu ne crois pas que tu devrais arrêter tes conneries ? Tu penses à ton gamin des fois ?

Il sait taper là où ça fait mal. Richard se montre plus clément, il chiffonne la note du bar avant de la jeter dans la corbeille à papier.

- J'ai eu le commissariat lundi matin, Baugas a porté plainte pour coups et blessures volontaires. A ta décharge, précise Richard, se type est connu comme impulsif, il a déjà un casier, majoritairement pour violences domestiques.

- Et son couteau ?

- Le rapport de police ne mentionne pas de couteau retrouvé sur les lieux. Quelqu'un a dû le ramasser avant leur arrivée. Pas de témoins de la scène à part tes deux copines. Elles pourront toujours être entendues comme témoin.

Des larmes de colères coulent sur mes joues. J'éprouve une terrible injustice.

- Je vous laisse tous les deux, propose Richard en posant la main sur l'épaule de Kévin.

- Comment va ta femme ? je me hasarde.

- Mal. Elle est encore sous le choc. C'était une mauvaise idée cette soirée. Je regrette surtout de ne pas avoir été là pour la défendre. Toi t'as fait ce que t'as pu. Il ne s'en tirera pas ce mec là. Je te le promets !

Sa colère contre moi est retombée, elle a changé de cible.