CHAPITRE 28

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- Allez les gars.. Murmura Sam entre ses lèvres, son objectif rivé devant ses yeux. Lâchez vous, bordel..

Elle appuya sur son déclencheur pour capturer le visage crispé de Benjamin Pavard qui passait devant elle, et abaissa légèrement son appareil photo pour suivre le ballon des yeux. Dans son dos, elle sentait le poids immense de la transe anxieuse des supporters peser sur ses épaules. Elle avait l'impression d'étouffer. L'air était de plus en plus lourd sous la nappe de nuages noirs qui surplombaient le stade, se mêlant à la crispation mentale de chaque personne présente dans l'enceinte.

Malgré l'enthousiasme des vestiaires, les garçons n'arrivaient pas à se débarrasser de la lourdeur qui pesait dans leurs jambes face au pressing des Croates qui ne lâchaient rien. La domination des damiers rouge et blanc les empêchaient de décoller, et altérait leur concentration.

Constamment dans les pieds de leurs adversaires, le ballon n'arrêtait pas d'aller taquiner le but français gardé par la main ferme de Hugo sans réussir à s'échapper avec les Bleus. Les accrocs se multipliaient, coupant le souffle de la photographe qui suivait la rencontre derrière les barrières de sécurité. Elle croisa le regard de Luka alors que le garçon se positionnait à quelque mètres d'elle pour lancer un corner, et changea de place autour du terrain en fulminant entre ses dents face au visage hautain qui lui souria avec suffisance.

Les quinze première minutes de cette deuxième mi-temps puissante fit grimper en flèche le rythme cardiaque de la jeune femme. Elle ne savait même plus à quel moment elle appuyait sur le déclencheur de son Reflex, tant son attention était entièrement dévouée en direction de ses onze amis qui progressaient devant ses yeux. Elle savait à l'avance que la moitié de la soirée serait totalement occultée par son esprit envahit par l'angoisse. Elle ne souviendrait probablement que du quart de la rencontre.

Et soudain, presque imperceptiblement, le vent changea dans le stade Loujniki. Avec cette constante impression d'être ancrée au sol - qui bourdonnait sous les acclamations des supporters - tout en étant à moitié ailleurs, Sam sentit quelque chose changer sur le terrain. Les foulées des Bleus devinrent plus légères, le ballon arrêta de s'échapper de leurs pieds. Quelque chose était en train de se passer. Juste à cet instant. Devant ses prunelles ambrés. La photographe sentit son coeur s'accélérer dans sa cage thoracique et, presque inconsciemment, elle changea de place derrière les barrières pour s'approcher des buts Croates.

Un frisson étrange remonta le long de sa colonne vertébrale, et elle releva son appareil photo devant ses yeux en attendant que son pressentiment se matérialise.

Trois minutes plus tard, Kylian s'envola en direction des filets Croate pour réceptionner une balle envoyée par Paul. Les défenseurs en damier rouge et blanc affluèrent autour de leur gardien en même temps que Antoine, qui récupéra le ballon du benjamin du groupe quand ce dernier lui renvoya la balle dans un centre en retrait. Le numéro sept réagit rapidement, fit jongler la sphère caoutchouteuse sur son genou, et la transmit à Paul qui tenta sa chance à l'entrée de la surface. Le ballon rebondit contre le corps d'un des joueurs adverse, et revint vers le milieu de terrain qui tira une deuxième fois du pied gauche. La balle fila droit dans la cage comme un boulet de canon, sans même laisser le temps au gardien d'essayer de la rattraper.

Sam exulta en même temps qu'elle appuyait sur son déclencheur, et elle releva la tête vers son ami qui étendait ses bras de part et d'autre de son corps en traversant la pelouse verdoyante sous les hurlements des supporters en bleu-blanc-rouge, suivit par ses coéquipiers - sur le terrain et du banc de touche - qui l'engloutirent de leurs bras puissants quand il se laissa tomber sur le gazon à hauteur du corner gauche. La photographe lâcha un petit rire nerveux et soulagé, et elle immortalisa l'entremêlement des joueurs qui félicitaient le milieu de terrain tandis que Magic System résonnait dans les enceintes. Les drapeaux français flottèrent dans l'air lourd et chargé d'électricité de Moscou, et la jeune femme retroussa ses lèvres en un immense sourire quand le numéro six arriva vers elle pour la prendre dans ses bras.

HORS JEUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant