Chapitre 1 : l'orage

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Je descends de manière nonchalante de la vieille Peugeot de ma mère et me rue sur la porte d'entrée.Manque de pot, je me rends alors compte que je n'ai aucune idée d'où peuvent se trouver mes clés. Bien que je ne laisse rien transparaître, ma colère s'accentue et je bouillonne intérieurement. Plantée sur le perron, je me résigne à attendre que ma mère me rejoigne afin qu'elle glisse ses clés dans cette foutu serrure et que je puisse me réfugier sous le calme et le noir rassurant de mes couvertures. Quelques instants plus tard, j'entends la porte de la voiture claquer violemment, puis les talons de ma mère se diriger vers moi. Je n'ose pas me retourner; j'imagine parfaitement son regard noir, lourd de colère à mon égard... Je me sens beaucoup moins à l'aise et fière qu'il a quelques heures,lorsque je m'efforçais de tromper l'ennui en lançant des boulettes de papiers sur le tableau noir du professeur d'histoire.Ma mère passe devant moi sans même me jeter un regard. Elle entre dans la maison et je lui emboîte le pas quelques secondes, avant de dévier ma route, droit en direction des marches d'escaliers. Je les grimpe quatre par quatre, espérant naïvement atteindre ma chambre avant l'orage.

-KUMBA ! revient ici tout de suite !

Pendant tout le trajet entre l'école et notre maison, je n'ai pas prononcé un seul mot. Ma mère en a fait de même et ce voyage m'a d'ailleurs paru interminable.Enfin arrivée à destination, je pensais réussir à m'abriter discrètement dans ma chambre et ainsi éviter qu'une pluie de colère s'abatte sur moi. Rien qu'au ton qu'emploi ma mère lorsqu'elle prononce mon prénom ; je devine les nuages d'exaspération, sombres et menaçants qui ont déjà pris possession de ses pensées et déforment son si jolie visage. Cette fois, il n'y aura pas d'échappatoire: je vais devoir les affronter. J'obtempère donc à contre cœur et fais demi-tour. Je traines le pas, descendant un à un les escaliers pour rejoindre ma mère qui se dirige dans le salon. Lorsque je pénètre dans la pièce où ma mère s'est assise; je ne peux cette fois éviter les éclairs que me lancent ses yeux. Je baisse immédiatement les miens et m'empresse de prendre place de l'autre côté de la table, en face d'elle. Ma mère attaque la discussion ou plutôt dire, le règlement de compte, d'un ton sévère, emplit de reproche.

-renvoyé, tu vas être renvoyé de l'école. Tu te rends comptes de ce que cela signifie ?

-...

-Bien sûr, tu t'en fiche. Tu te contre fou de ton avenir, n'est-ce pas ?

-...

-Vraiment Kumba, je ne te reconnais plus. D'abord le magasin dans lequel tu as volé. J'ai eu tellement honte ce jour-là mais je t'ai pardonné. Tu es ma fille.Puis ta fugue pendant tout un week-end ! J'étais tellement énervée ce jour-là mais je t'ai pardonné. Tu es ma fille. Et voilà que maintenant ton directeur me convoque d'urgence à l'école alors que je suis au travail ! Tout ça pour me dire qu'ils ne peuvent plus te garder car tu es juste insupportable. Tune viens jamais en classe et les seules fois où tu débarques à l'école, tu pues l'alcool et tu déranges tellement les cours qu'il devient impossible pour tes professeurs de continuer à donner leur leçon convenablement. Dis-moi au moins pourquoi tu te comportes comme ça ? Est-ce pour impressionner tes nouveaux camarades ?

-...

Je ne prononce pas un seul mot. Je fixe une tâche qui semble incrustée sur la table. Et surtout, j'attends que l'orage passe.

-Et bon dieu Kumba, répond moi quand je te parle ! Je suis fatiguée de toi et de tes bêtises !Je travaille dur chaque jour pour que toi et tes frères et sœurs ne manquent de rien. Et c'est comme ça que tu me remercies ?!

Je me recroqueville un peu plus surmoi-même. Ces mots criants de vérité, me touchent au plus profond de mon âme. Je n'ai toujours pas le courage d'affronter son regard et ma gorge sèche, refuse de laisser sortir le moindre son. Alors, comme une dernière barrière mentale pour ne pas craquer :je pose toute mon attention sur cette tâche sur la table. Est-ce du thé, du café ? Il faudrait tout de même tenter de la nettoyer. Mes yeux commencent à me piquer et j'ai de plus en plus du mal à rester de marbre devant les paroles incendiaires de celle qui m'a mise au monde. Pourvu que l'orage passe, vite.

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