Chapitre 5: Fusion âme-micale

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Je claque violemment la porte d'entréeet tourne le dos à cette maison de l'ennui. Personne àl'intérieur, n'a dû prêter attention à mon geste de colère.Ou peut être seulement la servante; qui a de toute manière d'autreschats à fouetter que de s'inquiéter de mes fluctuationsémotionnelles. Peu importe, j'enrage intérieurement et j'aibesoin de l'exprimer. Je n'ai aucune destination précise entête; ce qui ne m'empêche pas de marcher à grand pas sous unsoleil de plombs. Bien qu'elle soit toute aussi lourde àl'extérieur, j'ai besoin de changer d'air. Je continue àmarcher de plus en plus vite tout en fulminant intérieurement. Toutce que je voulais, c'était passer un petit moment à la plage pourme vider la tête et éviter de m'ennuyer à la maison pendant quemes cousins sont à l'école. Mais mon grand-père me l'aformellement interdit sous prétexte que nous sommes dans un pays« sous développé »; c'est-à-dire un endroit où ilest dangereux pour une fille de se promener seule. Je ne sais pascomment il pourrait savoir ce qui est dangereux ou pas dans ce pays,étant donné qu'il passe toute ces journées enfermées dans sonbureau ! Depuis toute petite, j'ai toujours été assez libreconcernant mes sorties. Lorsque j'habitais en France, nous logionsdans un complexe de bâtiment agrémenté d'un vaste espace vert.C'était notre terrain de jeu favori : les enfants du quartiers'y retrouvaient presque tous les jours. Jamais à courtd'imagination, nous passions des heures et des heures à s'yamuser. Seul les cris de nos mères, qui nous surveillaient par leursfenêtres et nous hurler de venir manger ou dormir à la nuit tombée;pouvaient mettre fin à nos parties de jeu. Puis, une fois enBelgique, ma mère s'est mise à travailler énormément. Alors,entre ces 6 enfants, le boulot, le ménage, les courses... elle avite appris à nous responsabiliser et à nous faire confianceconcernant nos sorties. Nous étions libres de nos allées et venuestant que nous respections deux règles d'or : ne pas faire dechoses illégales et ne pas agir de manière immorale. « Et toutfinit toujours par se savoir. Si vous ne voulaient pas que les genssachent ce que vous vous apprêtez à faire, ne le faîte pas !»aimait rajouter ma mère lorsqu'elle nous rappelait ces règles.J'admets avoir transgressé les règles de nombreuses fois. Maisjamais de manière exagérée et je suis toujours rentré sans tropramené de problème à la maison.

Alors moi qui a l'habitude de rentreret sortir à mon aise; j'ai vraiment du mal à accepter qu'onm'interdise de sortir seule! De surcroît, sans aucune raisonvalable à mes yeux. Le pire est que je ne demandais même pas àaller très loin : la plage se trouve à moins de 15 minutes à piedde la maison ! De toute façon, depuis que je suis ici, c'està peine si j'ai le droit d'aller seule à la boutique qui setrouve au coin de la rue. Mes grands-parents ont la chance deposséder une belle et grande maison. Mais mon grand-père voudraitla transformer en prison. Pendant que je continue à pesterintérieurement, mon regard est soudain attiré par un bâtiment quisemble en construction... ou à l'abandon ; d'où je metrouve, cela est difficile à deviner. Je m'approche mais nedistingue aucun bruit qui pourrait m'indiquer la présence depersonnes à l'intérieur. J'entre donc et me met à explorer cetendroit froid, sombre, calme et vide : en parfaite harmonie avecma mauvaise humeur du moment. Je monte jusqu'au deuxième étage etm'installe près d'un trou dans le mur, qui n'a d'une fenêtreque la forme rectangulaire. Je sors de mon sac à dos un carnet et unstylo. D'une écriture rapide et mal soignée, je m'y me défouleen y déversant mes rancœurs et toutes les choses qui m'exaspèredepuis mon installation à l'autre bout du monde. Mon grand-pèreest en tête de liste. Puis, il y'a ce soleil lourd, omniprésentet étouffant. C'est plaisant d'habiter dans un pays chaud, maisça devient vite pesant quand la chaleur ne fait jamais de pause.Ici, même la nuit il fait rarement en dessous 20° !

Ensuite le Wolof, cette langue quirésonne au quotidien au quatre coin du Sénégal, me paraît sicompliqué. Tout particulièrement la prononciation, qui se rapprocheplus de l'arabe que de la langue française. Je désespère d'encomprendre un jour les rudiments. Chaque fois que j'essaie depratiquer, les gens autour de moi se moquent tellement de mon accentque vexée, je finis par me taire ou par terminer la conversation enfrançais. Pourtant le wolof, loin d'être une langue étrangère,sonne au contraire si familier à mes oreilles. Qu'il soit utilisépar ma mère ou par d'autres membres et amis de la famille, samélodie fait partie de ma vie quotidienne depuis ma plus tendreenfance. Ce langage reste pourtant si mystérieux à mes yeux.Encore aujourd'hui, je n'en comprends que des bribes deconversation, c'est frustrant !

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