Chapitre 4 Palabre avec les anciens

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Quelques jours plus tard, mes cousinssont de nouveau à l'école et je me retrouve une nouvelle foisseule. Après avoir tourné en rond dans la maison à la recherched'une occupation ; je décide d'aller déranger mongrand-père dans son bureau. Cet homme réservé, à l'allure sisérieuse et au regard sévère; m'intimide et m'intrigue en mêmetemps. Au contraire de la plupart des Sénégalais que j'airencontré, il n'a pas l'air d'aimer beaucoup discuter. Il neparle que très peu et passe la majeure partie de ses journéesseuls, enfermé dans son bureau. Ce bureau dont je n'ai d'ailleursjamais vu l'intérieur. Je toque à la porte. Mon grand-père, meprenant sûrement pour la servante, me signale en Wolof que j'ail'autorisation d'entrer.

-Bonjour Papi, tu vas bien ?

Mon grand-père me fixe d'un regard àla fois étonné et un brin réprobateur, sans pour autant répondreà ma question; ce qui a le don de me mettre mal à l'aise. Aprèsde longues secondes qui me semble être une éternité, Il finit toutde même par répondre à mes salutations et m'invite à m'asseoirsur le siège libre en face de lui. Un imposant bureau sur lequel estposé un ordinateur, une imprimante, divers outils informatiquesainsi qu'une pile de dossiers nous sépare. Je jette un œil autourde moi : je n'imaginais pas cette pièce aussi petite etsobre. Seules quelques photos de membres de la famille sontaccrochées ici et là en guise de décoration. Les stores del'unique fenêtre de la pièce sont tirés et empêche la chaleur,mais aussi la luminosité de faire leur entrée en ces lieux.J'observe mon grand-père qui s'est replongé dans son écrand'ordinateur et lui lance timidement :

-dit papi, je me demandais ce que tufais dans ton bureau. Tu as l'air très occupé.

-je travaille, Kumba, je travaille,marmonne t-il, sans quitter son écran des yeux.

-D'accord... et... tu fais quoi commetravail ?

Il m'explique alors qu'il estinformaticien et qu'il traite des dossiers importants. Necomprenant toujours pas en quoi consiste concrètement le métier demon grand-père, je demande des précisions. Plus il s'efforce deme fournir des informations détaillées, plus je m'embrouille dansses explications. Résultats des courses : je perçois del'agacement dans la voix de mon grand-père alors que je n'aitoujours aucune idée de la manière dont il remplit ses journées !Je décide néanmoins de ne pas insister davantage. Je ne veux pasprendre le risque de l'ennuyer au point qu'il trouve le premierprétexte pour me renvoyer de son bureau ! Je tente plutôt untout autre sujet, qui m'interpelle particulièrement depuis monarrivé à Dakar.

-dit papi, l'autre foisj'accompagnais Ouleye au marché et sur le chemin, ils y avaienttous ces gamins qui mendiaient. Ils étaient vraiment beaucoup etcertains étaient vraiment jeunes ! Tous ces enfants des rues,ils ne vont pas à l'école ?

-Non, en tout cas pas l'école telque tu te l'imagines.

-comment ça ?

- ce sont des Talibés.

Talibés... oui c'était le termequ'Ouleye avait utilisé pour les désigner.

-Les Talibés, ils n'ont pas deparents ? j'enchaîne, bien déterminée à en apprendredavantage sur ces enfants au quotidien si différent du mien.

-La plupart viennent de la brousse oùvivent encore leurs parents. Mais ils sont trop pauvres pour leséduquer. Alors ils les envoient chez un marabout, ici en ville. Lemarabout se charge de leur éducation islamique et s'engage àprendre soin des enfants, à les soigner et à subvenir à leurbesoin.

-Mais si le marabout s'occupe detout, alors pourquoi sont-ils en train de mendier dans la rue ?

-Les Talibés donne tout l'argentgagné au marabout afin de participer aux frais quotidiens.

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