Je suis rentrée, difficile à dire. Je crois que je suis paumée. Je repense au brouillard le soir de mon enlèvement et de mon sang-froid derrière le mur. Je me souviens de lui et de ses mains sur moi. Je veux que ce soit un mauvais souvenir. Je ne veux plus y penser. Plus jamais.
Tous ces jours ont passés depuis le drame. Tout a été vite, et pourtant les minutes ont passés tel des heures. Je suis arrivée chez moi, j'avais l'impression de rejoindre les enfers. Je savais que le chemin vers le bonheur allait être long. De toute façon, je ne tiens plus au bonheur. Être restée comme ça, dans le sombre obscur a attendre que quelqu'un me trouve ici. J'aimerai n'avoir jamais vécu de viol, j'ai l'impression d'être changée, salie à jamais.
Je ne le pensais pas capable de forcer contre sa volonté, une femme à se déshabiller. Je pensais qu'il avait l'esprit pur et que tous les vices lui étaient dépourvus.
J'ai compris que cela remonte à une querelle du passé. J'ai aussi compris que la vie décide à la place de ses fidèles et que finalement nous n'avons pas notre rôle à jouer. Pas besoin de décider puisque l'avenir est tout tracé. Si j'ai été violée c'est que s'en est ainsi, et non autrement. Lenny a du mal à comprendre pourquoi, on dirait qu'il cherche un coupable à mon état. Il faut le dire, depuis que je suis rentrée peu de chose me retiennent de partir. Je n'ai pas d'enfant, un mari aimant et un travail plaignant. Je n'ai rien qui me retient, quand j'étais petite, moi j'voulais voyager...
Je voulais braver les océans et découvrir les cultures, je voulais respirer l'humanité. Je ne voulais pas être sequestrée et abusée. La vie est comme elle est. Je dois juste accepter. Ma vie d'avant me manque, même si ce n'était pas si facile tous les jours, je croquais la vie à pleine dent et faisait des petites choses de la vie, une montagne de joie... Ma qualité de voir toujours le bon côté des choses ne se ravivera pas de si tôt.
J'ai dû sortir à un moment. Je ne pouvais plus rester enfermée, c'était comme si je revivais encore une fois ma séquestration, être à l'étroit là où on doit logiquement se sentir en pleine sécurité.. Mon chez moi c'était mon abris de tous les jours, l'endroit où l'on s'y cache quand il pleut. J'aimais la tranquillité de mon chez moi, et même là je ne me sens plus à ma place.
J'arrive à saturation. A force de tourner en rond, j'ai de quoi faire l'inventaire de ma maison. Je suis sortie, sur la route j'ai pensé à ma vie. A « quel serait l'intérêt de vivre quand on est même plus maître de son corps? ». Pleins d'érotisme me traversait l'esprit, j'aimais vivre et me sentir vivre. J'aimais toucher du doigt le danger et je suis maintenant cette « chose » fragile dont les hommes ont brisés le cœur. Cette chose inoffensive maintenant qui voulait casser la gueule du monde avant son accident. Cette guerre ne se terminera jamais. J'étais cette si gentille femme qui débutait dans la vie avec le rêve de remonter le monde sur ses deux pieds. Je voulais vivre et mourir pour venger le mal, je voulais me sacrifier, je voulais rendre le monde heureux. Voir le monde sourire. Je suis là, sur ce trottoir les gens me jugent, j'avance avec un pantalon écorché et un haut bien trop grand pour moi. Je faisais avant un sourire immense aux passants pour tenter de rendre leur journée belle, je suis cette fille qui enfin se recule et qui sous la pitié d'autrui, fixe ses pieds sans regarder l'horizon, je suis cette fille qui savait ce qu'elle voulait et qui maintenant marche sans savoir où aller.
J'aimais la vie, j'aimais la joie, j'aimais le sourire sur les visages de l'inconnu. J'étais heureuse de me coucher en ayant rendu au moins une personne heureuse par un sourire. C'est vrai, chez les gens on ne sait pas ce qu'il se passe, peut être qu'ELLE se fait frapper par son mari ou que LUI est accro à l'alcool. J'aimais rendre la vie des gens possible sous un regard bienveillant et un sourire sincère.
J'ai oublié la mécanique, si vous me mettriez devant un miroir et que vous ne feriez plus de bruits, vous verriez vite mon désaccord avec moi même. Je suis incapable de me regarder, je ne sais plus lever la tête. J'ai peur d'affronter mon ombre, d'apercevoir une sombre lueur qui m'écrase l'âme de l'intérieur. Quelque part quand je disais que je voulais porter le malheur du monde sur les épaules... Ça se réalise... Mais pas de cette façon, il suffit de détacher ses yeux de ses pieds pour voir que le monde est malheureux. On est tous dans le même bateaux. Je pensais être différente pour moi être heureuse c'était iné, même s'il faut parfois faire abstraction des tracas de la vie pour savoir rebondir.J'ai levé la tête, pour une fois je me sentais bien à l'extérieur... J'ai levé la tête, il était inscrit « sos femme violée ». Avec un peu de honte, j'ai serré la poignée de porte. J'ai hésité de longues minutes bloquant le passage à sûrement d'autres femmes dans le besoin de s'exprimer. Je tenais cette poignée d'une telle force, je pensais à ce type. On s'est parlé à la fac et me voilà démunie de moi même. J'ai repassé le film dans ma tête, les autres me poussait pour entrer, je ne sentais même plus les coups. Les émotions me transperçaient. Je suis au bout. Mais déterminée à m'en sortir. J'aimais la vie, il n'y pas de raison que ça ne recommence plus. J'ai lâché la poignée, essuyé mes larmes et d'un pas assuré j'ai passé le seuil de la porte. Autant le dire, mentalement je n'assumais pas mais je faisais face. J'aurais fait dix mille aller-retour pour savoir ce que je devais faire mais je ne peux pas, je refuse que l'on me voit faible à l'intérieur de cette structure. Une fois sortie, je pourrais reprendre possession de mes états d'âmes. Comment leur dire...
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Passé.
Ficción GeneralMaylis, jeune femme déterminée enchaîne les péripéties. Lorsqu'elle pense rentrer chez elle et continuer sa vie tranquillement, le pire se produit. Une raison étonnante remontant à plusieurs années n'a pas finit d'étonner notre Maylis. Une route lon...