Je ne m'imaginais pas un jour me dire qu'à 21 ans je serais maman. Maman de quelqu'un qui m'a brisé aussi bien physiquement que mentalement. Je pensais avoir avancé et être passée outre ce drame mais tout me revient un peu plus violamment, comme une claque qu'une adolescente a prise pour avoir manquer de respect à ses parents. Tout est creux à l'instant. Je n'arrive plus à réfléchir.
Ça me torture l'esprit qu'un homme ou une femme quelconque puisse se croire plus grand, plus fort, plus intelligent et supérieur alors que nous sommes juste minuscule.
Je ne comprends pas comment on peut se sentir grand dans un monde où la planète Terre n'est que petite dans le système solaire. Quand on plane dans le ciel le monde nous paraît si petit, nous sommes petits. Ce n'est pas parce que quelqu'un a de l'argent qu'il est indémontable. Ce n'est pas parce que quelqu'un est malade qu'il est forcément vulnérable. On ne sait pas de quoi l'avenir est fait, demain tu peux sortir de chez toi et te faire renverser par un chauffard à moto alcoolisé. Je pense que notre utilité sur terre est moindre, on dure le temps qu'on doit et un jour la faucheuse nous arrache à la vie. C'est là que tout ce que tu as construit part en fumé, tout n'est que question de point de vue. Ça peut au contraire prendre tout son sens. Les proches se verront chanceux d'avoir partagé la vie de quelqu'un de talentueux. Quand mon tour arrivera, je mettrais ce journal aux yeux de tous. Ils se rendront compte que j'ai toujours été en guerre contre moi même sans jamais poser de problèmes aux autres. Un long combat m'attend. Je gamberge. Je me suis renseigné sur le phénomène de déni de grossesse. Le bébé se loge sous les côtes de la mère pour ne pas la déranger. C'est une boucle complexe, apparement, les femmes spéculées par ce problème font un blocage psychologique et refuse de voir la réalité en face. Moi, je refuse tout court de voir naître cet enfant. Il est un torchon de drame. Si je le garde, il sera « l'enfant du diable ». Il reposera sur des non-dits. Je ne veux pas qu'il ait à subir mon désaccord avec moi même. J'ai déjà beaucoup de mal à me regarder en face depuis cette nouvelle, comment j'arriverais à regarder cet enfant ? Je ne peux pas élever un enfant issu du viol, il encaissera la haine. J'ai peur de faire mal. Je ne veux pas qu'il subisse au quotidien les folies d'un homme meurtri et déséquilibré par un refus du passé. Nos vies sont marquées. Je n'ai pas envie qu'un enfant innocent porte un drame incompris. C'est un secret pour le monde, ma famille ne le sait pas, seul Lenny et le psychologue.
Je ne peux pas non plus l'abandonner, il ne comprendrait pas pourquoi sa maman l'a laissé. Il se referait trop de fois le film, il faut lui épargner l'inconfort. Je ne veux pas qu'on me dise un jour « Mademoiselle Tournel, l'enfant que vous avez abandonné pleure votre abandon, se demande tous les jours pourquoi une histoire comme ça lui a été écrite et ne se passe plus de psychologues pour pouvoir mener une vie stable. ».
Certains diront que je veux soulager ma conscience. C'est d'un côté vrai, mais de l'autre je trouve ça tout à fait immoral à mes yeux d'abandonner un enfant et de lui confier un combat qu'il devra mener d'arrache-pied pour pouvoir faire face.
De tout façon le choix de l'avortement n'est pas d'actualité. Je suis détachée de la situation, je n'ai rien choisit. La seule chose que j'ai entre les mains c'est l'avenir de l'enfant, je peux choisir de lui en créer un tout rose, ou le mettre sur le fait accompli pleins de réalisme. Comment dire ça ? « Maman ne t'aime pas, tu es issu du mal, je ne t'ai pas attendu et nier pendant sept mois. Tu auras du mal à vivre mais au moins tu sais. » Je ne peux pas détruire un enfant. Je suis une personne bien. Je ne peux pas faire ça, je dois prendre sur moi. Maylis, tu seras une femme forte et une maman aimante. Note le quelque part, Maylis tu feras ce que tu peux. J'ai accepté et mon ventre s'est automatiquement gonflé à vu d'œil, j'étais devenue enceinte sans être passée par toutes les phases qu'une maman normale aurait passées. On ne peut pas dire que je suis perdante dans cette histoire. Perdue mais non perdante. Gagnante de partager ma vie avec un petit être à qui j'inculquerai le respect de soi et de l'autre, la bonté, l'amabilité, la gentillesse, l'aplomb. Un deuxième moi quoi. Le choix est donc fait. Mademoiselle Maylis Tournel élèvera son enfant dans la paix et la sérénité, en lui promettant un avenir meilleur que celui de sa maman. Cette remise en question, cette rencontre avec moi même m'a permise de faire le bon choix. Je ne lui briserais pas sa vie, mais l'enfant saura. Il saura surtout peu importe son sexe qu'un viol ne dépend pas d'une tenue ou d'un comportement.
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Passé.
General FictionMaylis, jeune femme déterminée enchaîne les péripéties. Lorsqu'elle pense rentrer chez elle et continuer sa vie tranquillement, le pire se produit. Une raison étonnante remontant à plusieurs années n'a pas finit d'étonner notre Maylis. Une route lon...