Chapitre 5

21 3 0
                                    

Personne ne se mets à ma place, personne n'imagine ce qu'est être la rescapée de la dépression. J'ai inspiré le monde. Ça a été tellement dur, je m'en suis claqué la tête contre le mur. J'envoie des messages qui ne veulent rien dire. Des fois j'ai envie de tout lâcher, j'ai envie de fumer à en mourir, et me couper à en crever. Personne ne comprend le bonheur que c'est, d'avoir une source qui nous soutient. Une lame qui trace votre malheur, c'est une lame qui grave sur vous votre histoire. Au début je faisais ça pour comprendre, je me demandais ce que c'était de souffrir encore plus. Je m'en suis peut être sortie, je suis peut être la fille la plus forte que vous n'ayez jamais connue mais elle a de nombreux bas. C'est ce que les spécialistes disent, on ne peut pas stagner de bonheur à longueur de journée. On ne peux pas, je ne peux plus. J'ai oublié le fait que le bonheur pouvait s'estomper un jour, j'ai oublié... C'est ça le problème, ma promesse avec moi même, c'était de jamais perdre pied, de toujours garder la tête sur les épaules. Je ne me considère plus comme quelqu'un de bien, j'ai l'impression d'avoir fait mal au monde entier alors que je ne suis pas le monde entier, je me fais juste du mal à moi. C'est toxique. Vraiment toxique. Vous vous dites que c'est pour essayer et vous saignez. Je ne pensais jamais retomber aussi bas que cette fois là.
Je rentrais de chez la psychologue, mon monde s'est écroulé à peine la porte fermée. Je n'étais pas libérée, j'avais juste brûlé une chance de me délivrer. Je faisais de grands sourires, j'étais comédienne. Le pire c'est qu'elle voyait clair dans mon jeu. A la fin de la séance elle avait dit « Plus rien à rajouter, des choses qui n'ont pas été dites ? ». J'ai secoué la tête. Fort. Même trop, elle avait dû comprendre que c'était du pipo. Je suis partie, je suis rentrée et je me suis coupée. J'ai énormément pleuré. Je ne savais plus pourquoi, tout était tellement embrouillé que je ne savais plus si je pleurais pour mon viol ou si je me coupais pour autre chose. La vie a été un long fleuve tranquille jusqu'à temps que ma maladresse veuille enfin me jouer des tours. Il fallait s'en douter je ne pouvais pas vivre une vie toute rose. Je me suis mise à détester les choses simples de la vie. J'avais la haine contre le monde, j'avais envie de crier à m'en égosiller la voix. Rien n'est à la hauteur de ma guérison, d'habitude ces « bas » comme on les appelles, durent peu de temps, juste assez pour que je me remette les idées en place. Depuis mon écart à la vie normale, j'ai perdue de mes valeurs, j'ai énormément bloqué sur ce qu'étais le malheur sans vraiment trouver de réponses et j'ai fini par conclure que je pourrais en être la définition même.
Comment faire pour s'en sortir, vivre sans y penser ? Ne reculer devant rien, ne pas avoir constamment peur du danger ? J'aimerai être une femme forte qui brave de nombreux rivages, j'aimerai simplement me retrouver.
Je voudrais faire la paix.
Je les vois autour, je sais que ça leur fait du mal. Des fois j'ai l'impression d'être de trop alors qu'ils sont tout pour moi. J'ai l'impression de compter peu alors que je ne pourrais plus vivre correctement sans eux.
Je donne énormément de moi même. Je veux tout faire au mieux. C'est son visage qui apparaît quand je ferme les yeux. Je repense à ce moment. J'essaie de m'en sortir, d'avancer, j'essaie juste de ne pas me détruire, et surtout d'arrêter de m'interdire.
On me le reproche et je le comprends, Maylis ça fait si longtemps.
Sachez qu'on ne se remet pas si tôt des drames que peuvent encourir nos âmes. Il me faut du temps, combien, ça j'aimerai le savoir.
Je me retrouve à penser dans le vide, je n'arrive pas à affronter le regard des autres, je ne regarde personne dans les yeux. J'ai l'impression que l'on peut me décrypter et je n'ai pas envie qu'on sache que mon sourire n'est qu'un masque. J'ai juste envie d'être normal pour une fois. Je veux plus qu'on ait pitié de moi, je veux vivre juste normalement.
Je veux plus m'embêter ni m'encombrer. J'ai des phases où j'aimerai renverser le monde tellement je suis heureuse et des fois où j'aimerai juste m'enfouir à mille pieds sous terre. Les philosophes disent que vivre sa vie c'est comprendre que la jouissance et le pouvoir sont deux ennemis et que l'on doit vivre sa vie par petits fragments.Je suis d'accord. Mais pourquoi nous imposer de si durs combats ? Ça je pense que personne n'a la réponse. Je pourrais très bien la chercher mais je n'ai pas envie de m'entêter. Je veux mener une vie simple et j'espère que ce n'est pas trop demander.

Passé.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant