#Archivemicronouvelles17
Source de l'image : @archillect (twitter)
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Mon petit-fils est venu tout à l'heure. Il est bien gentil. C'est le dernier à me rendre visite, les autres se sont lassés de ne pas me voir mourir, je pense.
Il est gentil, mais il est marié à une teigne qui préfère aller dans notre appartement de la côte que venir me voir. Elle dilapide tout son argent. Elle me fatigue. Enfin, ce n'est pas grave. J'ai offert du thé à mon petit-fils. Mais il n'aime pas ça le thé, alors il va le lui donner, à cette morue, elle adore ça. Avec la mort aux rats que j'ai écrasée dans les sachets, elle va danser un peu la cochonne, ça lui fera passer le goût de se pavaner sur la terrasse ensoleillée que nous aimions tant avec mon mari.
Mon mari...
Si je n'étais pas née dans un trou paumé au milieu d'une campagne plate comme un jour sans pain, j'aurais peut-être eu le choix. Mais dans le canton ils n'étaient pas nombreux. Alors j'ai fait une moyenne entre le moins laid et le moins bête, et c'est tombé sur lui. Le pire c'est que j'ai dû batailler pour mettre le grappin dessus ! Je n'étais pas la seule à avoir fait ce calcul. Mais une à une elles ont abandonné. Il n'y a que la dernière qui m'a donné du fil à retordre. Un jour ils trouveront peut-être son corps quand ils se décideront à débroussailler la parcelle derrière l'église. Il n'y a que des ronces dans ce coin-là. Ils s'en écorcheront les mains à la sortir de son cercueil d'épines cette vieille carne.
Il est mort assez vite, il avait une santé fragile. Surtout il ne supportait pas la soupe de verre pilé. Je n'en faisais pas souvent, mais à la troisième, peu après que je sois tombée enceinte, il s'en est étouffé. Il s'est tordu sur le sol de la cuisine en se tenant la gorge pendant plusieurs minutes, juste le temps pour moi de faire la vaisselle et de préparer la serpillière pour nettoyer tout son bazar. Je me doutais bien que le médecin du coin trouverait son décès suspect quand il viendrait l'inspecter. Alors pour ne pas donner du travail inutile au légiste du canton, j'ai balancé son corps aux cochons. Ils ont été ravis. Après ça ils me faisaient drôlement la fête à chaque fois que je m'approchais pour les nourrir et lorsque j'ai mangé le dernier, j'ai eu un petit pincement au cœur.
Je me sens bien seule ces temps-ci. Ma fille est tombée du toit le mois dernier. J'avais scié deux barreaux de l'échelle, et elle a insisté pour inspecter mes gouttières. C'était adorable de sa part, mais inutile comme sa vie. Si je n'ai pas gâché une cartouche de fusil pour elle, c'est bien parce qu'elle m'a donné un mignon petit-fils. Il me ressemble. Il me succédera, je pense, je fais tout pour. Demain déjà quand il reviendra d'avoir fait boire mon thé à sa mégère, il aura changé et on pourra commencer son apprentissage. Brave garçon.
Oh ! Vous partez ?
Vous ne voulez pas rester dîner ?
J'attends une amie de longue date, je suis sûre qu'elle vous plairait. Je lui procure souvent de petits services, et elle me les rend bien. Vous verrez, elle est charmante, un peu froide au début, mais très vite vous ne pourrez plus vous passer d'elle.
J'ai fait de la soupe et du thé, restez donc.
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Micro nouvelles - Premiers émois
Short StorySur twitter depuis quelques temps, l'excellent @_KeoT_ (@KeoTauteur) propose à une petite troupe toujours plus grande d'auteurs de rédiger un texte libre, chaque jour, sur une image issue de la bibliothèque de @archillect. Adepte, et chanceux partic...