Chapitre 4

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Les trente-et-une minutes passèrent. Midi arriva. Je sortis alors de mon bureau et allai au bureau de Stewart, sans toquer bien évidemment.
Grossière erreur.
Cette Charléne lui mangeait carrément la bouche, elle était assise sur son bureau et avait les jambes croisées derrière le dos de DuCon. Cette vue était exaspérante. Le pire, c'était qu'ils ne m'avaient même pas remarqué. Je me raclai alors la gorge, Charléne se retourna, surprise et apeurée à la fois, en poussant Stewart qui bascula sur la chaise et se retrouva assis.  Le bureau de Stewart était la copie conforme du mien, la porte était juste en face de son bureau en bois et devant s'y trouvait deux chaises. Un peu plus loin il y avait un canapé et une petite table. Sur cette table se trouvait une boîte de papiers mouchoirs. J'en pris alors un et le tendit à Alexander.
-Vous avez du rouge à lèvres, un peu partout autour de votre bouche.
Il le prit et commença à l'essuyer. Quant à Charléne, elle était paralisée et ne bougeait pas d'un centimètre.
-Selon le point 2.3 du deuxième titre du règlement de cette entreprise, il est clairement stipulé que les employés n'ont aucun droit de se « batifoler » au sein de l'établissement, je fis le signe des guillemets pour bien montrer que ce mot n'était pas écrit mais que je l'avais ajouté, avec d'autres employés. Je vous demanderai alors de quitter ce bureau.
À la seconde où je terminai ma phrase, Charléne courrait déjà vers la porte pour sortir du bureau.
Je me retournai vers Alexander, il me regardait avec la tête penché, comme un chien qui ne comprenait pas le son que vous veniez de faire. Il était mignon.
- Vous savez, jefferson, en deux ans de carrière dans cette entreprise, personne ne m'avait jamais manqué de respect comme vous le faites.
- Il n'y avait pas encore d'employé qui avait exactement le même poste que vous, ça crée des liens vous n'êtes pas d'accord? dis-je en prenant place sur une des chaises.
-Vous trouvez ça drôle? Dit-il en se levant.
-Vous trouvez ça mignon? Dis-je en penchant ma tête comme il l'avait fait tout à l'heure.
Il sourit, ses deux fossettes apparurent et il plongea ses yeux dans les miens.
Ce moment dura quelques instants, mais je n'étais pas du genre romantique. Je coupai alors ce blanc:
- Que diriez-vous d'un déjeuner Alexander? Je m'adossai sur le dossier de la chaise pour avoir l'air un peu plus décontracté.
-Qu'est ce que je n'accepterais pas venant de vous?
Et nous revoilà en face du charmeur.
Dommage, sa sincérité était plus touchante que ses phrases d'accroche.
Je lui souris. J'étais déçue, mais je ne laissais rien paraître.
Il prit les devants en sortant du bureau, et en nous emmenant au parking. Il m'ouvrit la porte de sa voiture, voulant sûrement paraître gentleman. Sa voiture était une mercedes classe A. Il était arrogant jusqu'au bout à ce que je vois. Je pris place et il s'installa à son tour dans la voiture.
- Je voudrais vous faire découvrir un retaurant. Il est spécialisé en pâtes, vous aimez?
-Qui n'aime pas les pâtes?
Il acquiesça puis démarra.
Le trajet dura exactement 14 minutes et durant tout ce temps, je fis attention à tous ses gestes.
J'en appris trois choses: Alexander détestait le silence, alors quand il y avait un blanc, il faisait une blague ou il ouvrait la radio. À chaque arrêt devant un feu, il passait sa main dans ses cheveux, l'air agacé. Et il était très drôle, il savait exactement quand et où placer ses vanes.
Alexander descendît de la boiture et me demanda d'attendre, il fit le tour puis m'ouvrit la porte et m'invita à sortir.
Le galant refait surface on dirait.
Le restaurant qui se dressait devant nous était simple. L'enseigne était lumineuse, et tout était en baie-vitré. Nous entrâmes, Alexander devant moi. Il y avait beaucoup de monde et je ne supportais vraiment pas ça.
Nous sommes montés au deuxième étage, il n'y avait que quelques personnes. J'étais soulagée.
Stewart préféra une table au milieu, tandis que moi je voulais celle qui était au coin.
-Nous pouvons voir tout le monde au milieu, dans le coin c'est isolé !
- Justement, vous êtes venus manger avec moi ou avec les personnes du restaurant? En plus on pourra avoir une belle vu, on sera à côté de la baie-vitrée.
Je savais que j'avais plus d'arguments que lui, j'allais gagner.
Il posa son regard sur la table en question, puis sur la table que lui voulait. Il grogna en marmonnant un « comme vous voulez » et me tira vers la table du coin.
Alexander avait la tête d'un petit garçon. Il faisait la moue en regardant le paysage.
- Vous n'allez pas bouder pendant tout le déjeuner?
- Si, dit-il en croisant ses bras et en s'adossant sur le dossier de la chaise.
Je l'imitais, et tirai ma lèvre inférieure pour caricaturer sa moue.
Il se mit à rire et prit le menu.
Je fis de même, mais cette fois-ci parce que j'avais faim. Il me parla alors des plats, comme si il les avait tous goûté. Après son long monologue où il me conseillait des plats vraiment pas à mon goût. Je pris le plat qu'il m'avait déconseillé, c'est à dire des macaronies avec une sauce rosée et du basilique. Quant à lui, il prit deux entrées et un plat principal.
- Vous avez vraiment faim pour manger tout ça, soulignai-je avec un air taquin.
- Les deux entrées sont pour nous deux, puisque vous ne m'avez pas écouté, vous allez me faire le plaisir d'y goûter.
- Je ne prends jamais d'entrée, ni de dessert d'ailleurs. Ça me coupe l'appétit.
- Et bien, pas cette fois-ci, dit-il en arborant un grand sourire qui arrivait jusqu'à ses yeux.
Nous avons tout d'abord commencé à parler du temps, puis ce sujet avait dévié sur la science qui lui avait dévié sur la politique.
Puis nos plats arrivèrent.
Alexander mit les deux entrées au milieu et me fit comprendre qu'on allait les partager, et chacun avait eu son plat principal devant lui.
Mon plat était succulent, j'avais bien fait de ne pas le suivre dans son délire de « prends plutôt les macaronies à la viande, tu vas voir c'est super bon ».
À ma grande surprise, son goût n'était pas si mal que ça puisque les entrées aussi étaient bonnes.
Il n'était jamais à court de blagues et il en plaçait un peu partout dans ses phrases, et nous continuâmes à parler dans la joie et la bonne humeur.
Il avait vraiment le rire facile, et la plupart du temps je ne savais même pas pourquoi il riait.
Son éloquence laissait paraître qu'il était cultivé et qu'il avait confiane en lui. Il choisissait minutieusement les mots qu'il utilisait. Il n'était pas spontané, il faisait attention à ce qu'il disait. Sans doutes parce que nous ne nous connaissons pas très bien.
J'ai appris aussi qu'il n'était ni homophobe ni sexiste ni raciste.
Je n'avais jamais rencontré un tueur aussi saint d'esprit. Les apparences étaient trompeuses apparemment.
Le déjeuner terminé, nous avons payés puis nous sommes sortis du restaurant. La pause déjeuner était bientôt fini alors nous avons préféré prendre le trajet pour retourner à City Legend plutôt que de manger une glace comme il l'avait suggéré.
Il était de bonne compagnie.
Cette mission n'allait pas être si mal après tout.

Fine, thanks.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant