Un Autre Monde

Chapitre 12 : Privée de lumière

Après ces trois jours passés à marcher, à s'arrêter seulement pour dormir, même pas pour manger ni boire, ma fatigue retomba comme une flèche. Je m'excusai auprès de l'oncle Isaac, j'avais besoin d'aller dormir, moi qui avais tant attendu de faire sa connaissance... Mais je relativisais en me disant que j'aurais dix mois pour apprendre à le connaître. J'espérais qu'il se détendrait avec moi, cela me perturbait, et me mettait même mal à l'aise qu'il ne parle qu'en utilisant des citations et des proverbes. Cole m'accompagna jusqu'à sa chambre. Je luis fis part de mes craintes par rapport à son oncle. Il sourit et me rassura:

- Ne t'inquiète pas, il est comme ça, au début. Mais il finira par t'apprécier !

Je m'inquiétai malgré ses mots. Que son oncle m'apprécie me tenait tellement à cœur ! Mais d'un coup, je me posai une question. Cole souriait tout le temps, il était toujours optimiste, je ne l'avais jamais vu triste, c'était comme s'il était un personnage de dessin-animé, et encore que...
Son optimisme était quelque chose que j'aimais énormément chez lui, mais j'avais sans cesse l'impression qu'il me cachait des choses, peut-être pour me protéger, ou peut-être qu'il ne me faisait pas confiance. Cela en devenait blessant, moi, je lui faisais confiance ! Mais j'avais peur de lui dire ce que je ressentais à ce sujet-là, je me disais que la confiance n'était pas forcément innée pour tout le monde, qu'il lui fallait sûrement du temps. Et puis, je n'avais aucune expérience de ce qu'était un couple, je ne savais même pas si on pouvait nous qualifier d'un couple. Alors, peut-être que c'était normal qu'il ne me fasse pas confiance aussi vite... Je pensai qu'il avait dû vivre des expériences traumatisantes dans son enfance et que désormais, il avait envie de voir le bon côté des choses tout le temps, mais j'étais sûre, et ce devait sûrement être normal, qu'il ne me disait pas tout à propos de ce qu'il avait vécu, étant plus jeune.

D'autant plus que son oncle m'avait dit quelque chose d'étrange. Il avait dit: « Même les rencontres de hasard sont dues à des liens noués dans des vies antérieures », il sous-entendait évidemment que notre rencontre était due à des liens dans d'autres vies, mais qu'est-ce que cela voulait dire ? Que notre rencontre n'était pas un hasard ? Bien-sûr que non, ce n'en était pas un, nous avions été envoyés sur Terre, j'avais suivi Cole, que j'avais accueilli près de quatre mois plus tôt, c'était tout. Mais qu'étaient donc ces vies antérieures ? Les vies de qui ? Ou peut-être cette phrase faisait-elle référence à sa religion: apparemment, les bouddhistes croyaient à plusieurs vies, pour une seule âme, si mon interprétation était bonne. Alors peut-être pensait-il - ou savait-il - que nous nous étions rencontrés dans des vies antérieures, et que je n'y étais pas Anonienne, ou lui pas Humain.

L'idée qu'il ait dit cette phrase dans le vent, sans aucun sens, aucune arrière pensée, quelle qu'elle soit, ne fit que m'effleurer l'esprit. Il avait l'air d'être très intelligent, sage, alors ses paroles avaient forcément un sens.
Toutes ces réflexions épuisèrent encore plus mon cerveau, alors je décidai de me laisser aller et je m'endormis très vite, aux côtés de Cole qui était, lui aussi, exténué.

Le lendemain, enfin, deux heures plus tard, je me levai. Je descendis donc, à pas de loup. Il n'y avait personne. PERSONNE ! Où était l'oncle Isaac ?

- Je suis là.

(Quoi ?!)
Je me retournai, faisant face à l'oncle Isaac, qui devait faire une tête de plus que moi, voire plus !

- Vous entendez mes pensées, comment c'est possible ?

- « Ignorance est mère de tous les maux », François Rabelais.

- Vous comptez me parler normalement, puisque de toute façon vous pouvez lire me pensées, enfin...

Je « bloquai » mon esprit, je ne pensais pas que j'aurais dû avoir à le faire sur Terre, mais visiblement, si. J'avais atteint un certain niveau scolaire qui me permettait de faire cela naturellement afin que si, par je-ne-sais quel moyen, il avait atteint un niveau intellectuel lui permettant de lire dans mes pensées, il ne puisse plus le faire suite à mon « blocage » de l'esprit.