4. Prise de conscience

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- Parfait alors... Oui, bonne journée à vous aussi...

Tout en raccrochant avec la réceptionniste de la clinique, je reviens m'assoir près de Damien qui est affalé sur le canapé. Il semble écrire à quelqu'un puis fronce soudainement les sourcils. Je tente d'apercevoir son interlocuteur mais Damien verrouille l'écran à ce moment. Je fronce les sourcils à mon tour et demande :

- À qui tu écrivais ?

- À un pote, au poste.

Je hoche la tête, m'enfonçant davantage dans le sofa en cuir noir. Je croise les bras sur ma poitrine et balance ma tête vers l'arrière, ma nuque reposant sur le bord du canapé. Je soupire bruyamment alors que Damien dit :

- Tu as pu parler avec ta psy ?

- Oui... Enfin, avec sa secrétaire. Elle m'a dit qu'il y avait justement un rendez-vous qui s'était annulé. Donc, cet après-midi, direction la clinique de ma psychologue !

- Tu fais le bon choix, frangine... Tu le sais ?

- Mmh... J'hésite beaucoup. D'un côté, j'aimerais garder ce bébé parce que... En fait, je ne sais pas. Je veux le garder parce que c'est un bout de moi. C'est la chaire de ma chaire. Mais d'un autre côté, le garder signifierait que j'accepte de prendre le risque d'élever un enfant dans la dépression, ce qui n'est pas du tout le cas...

- J'aimerais tellement t'aider, la soeur... Mais j'ai aucune idée de quoi te conseiller. Je me sens totalement impuissant... Mais je pense que la seule chose pertinente à faire, c'est d'en parler, oui à ta psy mais aussi à James. C'est son bébé également.

Je soupire une nouvelle fois en acquiesçant. Je le sais... Oh oui, je le sais très bien... Je n'ai juste pas la force de voir la déception et le dégoût dans ses yeux bleus qui me font tant d'effet...

• • •

En route vers ma psychologue, je caresse lentement le minuscule arrondi de mon ventre, pensant à ce bébé. Je peux sentir le regard de Damien faire la navette entre moi et la route avant qu'il ne lance :

- Tu n'avortera pas là... Je me trompe ?

- Mmh... Je ne sais pas. Je vais attendre d'avoir passé mon rendez-vous.

Je vois du coin de l'oeil Damien hocher la tête, son regard encré sur la route. Je soupire discrètement quand je reconnais la suite de bâtiments en brique qui se succèdent à la fenêtre. Damien immobilise la voiture et me dit :

- Je t'attends ici. Aller, bouge ton petit cul.

Sa remarque me décroche un sourire en coin avant que je ne me hisse hors de l'habitacle, mes pas me guidant vers la clinique. Je pousse la porte et entre, une odeur indescriptible me montant aux narines.

(Je déteste cette odeur...)

Je me rends au comptoir de la réception alors que la secrétaire raccroche avec un patient, je suppose, et m'observe avec un grand sourire :

- Bonjour, Mademoiselle. Que puis-je faire pour vous ?

- Je dois rencontrer Mme Côté pour mon rendez-vous.

La réceptionniste feuillète son agenda avant de relever la tête vers moi.

- Oui, Mme Côté m'a effectivement prévenue de votre venue. Elle peut vous accueillir dès maintenant.

- Merci.

Je quitte le comptoir pour m'enfoncer dans le couloir principal de la clinique, cherchant le bureau de ma psy. J'arrive finalement devant, la porte étant entrouverte, me permettant de voir Mme Côté remplir des papiers. Je pousse doucement le battant de la porte, annonçant ma présence d'un raclement de gorge. Ma psy lève tout de suite la tête, me dévisageant d'un sourire chaleureux.

Dominique, de son prénom, est une très jolie femme aux yeux vert olive et aux boucles noires retombant au dessus de ses épaules, un nez fin et une bouche aux lèvres pulpeuses cachant une rangée de dents droites et blanches. D'un signe de main, Dominique m'invite à m'assoir sur la chaise. Je referme la porte derrière moi et m'installe alors que ma psy range ses papiers sur un coin du bureau en bois foncé.

- Qu'est-ce qui vous emmène aujourd'hui, Lucy ?

- Euhm... J'ai vraisemblablement besoin d'aide. Enfin, c'est ce que mon frère dit...

- Expliquez moi.

Je prends une grande inspiration et me lance, la voix déjà tremblante d'émotions :

- Eh bien... Je récemment appris que j'étais enceinte. Seulement, je ne peux pas élever un enfant dans mes conditions... Ma dépression et mon traumatisme m'empêchent de prendre correctement soin de moi alors un bébé... Je n'imagine même pas. Le pauvre... Il n'a rien demandé. J'ai pris un rendez-vous et je compte me faire avorter. Mais, je ne sais pas... Le futur est flou et j'ai trop peur que le bébé ne puisse pas grandir dans de bonnes conditions...

La psychologue m'observe de ses billes vertes avant d'avancer son buste, joignant ses mains devant elle.

- Écoute moi, Lucy. En ce moment, ce n'est pas la Dom' professionnelle qui te parle mais celle qui vécu quelque chose de semblable. Sauf que moi, j'ai réellement avorter. Je peux te le dire, Lucy, avorter ne ferait que te rendre encore plus mal. Tu vivras avec la même mentalité pour le reste de ta vie. Celle où tu as enlevé la vie d'un bébé. Peut-être même que ce bébé sera le déclic qui fera que tu guérira... Ce sera une petite part de bonheur dans ta vie qui te semble morose et déprimante aujourd'hui. De plus, tu n'es pas seule, pour l'élever. Il y a James également, qui est prêt à tout pour t'aider à aller mieux...

Je me mords la lèvre en détournant le regard, triturant mes mains devenues moites.

- Eh bien... James n'est pas au courant de ma grossesse.

Dominique s'éloigne, humidifiant ses lèvres d'un rapide coup de langue.

- Tu dois lui dire. Prendre cette décision ne tenait pas seulement de toi, mais de vous deux. Ce bébé est autant le tien que le sien.

Je hoche la tête, les sages paroles de ma psy résonnant dans mon esprit. C'est vrai... Je dois parler de ce bébé à James...

• • •

Après un dernier bisou sur la joue, je descends de la voiture de Damien en lui faisant un signe de la main. J'observe mon frangin démarrer et partir à toute allure, s'insérant dans la circulation fluide. Je souffle et me retourne, avançant vers la porte d'entrée de James. J'utilise mon double de clé pour ouvrir la porte et pénètre dans la maison. Je referme la porte et marche jusque dans le salon, où je devine James assis étant donné que je perçois le son de la télévision. Dès que j'apparaît dans l'ouverture qui relie l'entrée au salon, les prunelles bleutées de James percute les miennes. Un long frisson m'électrise de la tête au pied alors que j'ai l'impression de me noyer dans ces iris si intenses.

James se lève d'un bond, éteignant la télévision. D'un ton de reproche et légèrement agressif, il me demande :

- T'étais où ? J'étais fucking inquiet pour toi ! M'écrire c'était trop difficile pour toi ?

Je prends une grande inspiration puis ferme les yeux, les larmes me les picotant déjà. Je dis :

- James... Il faut qu'on parle.

• • •

Voilà ! J'espère que ce chapitre vous a plu !
Luv

Le temps d'une vie - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant