69~Muet comme une tombe(PDV KEN)

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??: Je vous écoute.

Je sors de ma rêverie et regarde la salle blanche autour de moi. Je réalise enfin la situation et la raison de ma présence dans ce bureau :

-Je n'ai rien à faire ici.

Et c'était vrai, j'étais ici pour faire plaisir à Millie :

Psychiatre: Vous êtes ici pour une raison.

-Ah oui laquelle?

Psychiatre: à vous de me le dire.

-Je n'ai rien à dire, rien à faire ici d'ailleurs.

Psychiatre: ça fait trois mois que vous répétait les mêmes choses et pourtant séance après séance vous êtes encore là, il y a donc une raison à votre présence?

-...Oui...

Psychiatre: Alors dans ce cas-là dite-moi tout.

-...

Psychiatre: Vous savez, le fait de raconter son histoire ne trahit pas sa mémoire.

-Je sais, mais en parler fera vivre son souvenir et je veux l'oublier.

Psychiatre: Vous ne voulez pas l'oublier, vous ne le pourrais pas de toute façons. Vous devez apprendre à vivre avec le fait que rien ne s'oublie, on garde toujours une part de nous éveillé sur ce sujet. Cette partie est totalement lucide et renferme tous vos trésors, même le plus secret. Mais il faut accepter que parfois cette partie de vous n'arrive plus à supporter et à renfermer tous ces secrets, il faut parler pour extériorisé ce que vous gardez pour vous, pour éviter qu'elle explose en vous et qu'elle ne vous tue lentement. Dite-moi si je me trompe mais le fait d'écrire prouve que vous devez extérioriser tout ça. Et vous le dite vous-même, vous dite que si vous alliez réellement bien, vous n'auriez pas fait le choix d'être artiste.

-Je n'ai plus d'inspiration depuis longtemps.

Psychiatre: Vous en avez, c'est juste que vous refusez d'écrire car ça vous fais penser à elle.

-Je pense constamment à elle.

Psychiatre: Vous voyez encore une fois c'est vos mots qui parles, vous l'appeler "elle". Appelez-la par son prénom, en une vingtaine de séances ici, vous n'avez jamais dit son prénom, je ne sais rien d'elle. Alors comment pourrais-je vous aider ? Vous devez m'en dire plus, de quoi avez-vous peur?

-Des souvenirs.

Psychiatre: Vous allez devoir vivre avec ces souvenirs qui vous collent à la peau, ils font partis intégrante de vous et font de vous ce que vous êtes aujourd'hui.

-Je ne sais même pas si je veux l'oublier ou me rappeler d'elle. J'ai déjà oublié tellement de choses.

Psychiatre: Comme quoi par exemple?

-Sa voix, son odeur, la sensation que je ressentais en sa présence.

Psychiatre: La voix d'une personne est l'une des premières choses que l'on oublie, mais vous n'avez pas oubliez la sensation de sa présence, quand vous pensez à elle, c'est comme-ci elle était encore là.

-Je la ressens de façons moins importante, moins vive.

Psychiatre: Non, c'est juste que vous avez mis des barrières à ces émotions, vous devez les laisser vous transpercer et vous emmener loin, auprès d'elle. Il n'y a que comme ça que vous irez mieux.

-Mais ça me fait tellement souffrir.

Psychiatre: Vous ne souffrez pas, c'est votre esprit qui vous fait croire que vous souffrez, que ces souvenirs et ces sensations sont douloureuses pour vous. Si vous passez votre temps à penser à elle, alors vous voudrez la rejoindre, et ça votre esprit l'a compris, il veut vous empêcher d'appuyer sur la gâchette ou de vous faire du mal.

-Je me fais déjà du mal.

Psychiatre: Ce n'est qu'un aspect de votre peur. Vous devez voir ça comme quelque chose de bénéfique.

-De bénéfique ?
Psychiatre: Vous souffrez car vous êtes en vie.

-Il est vrai que quand j'ai mal je me sens vivre.

Psychiatre: Alors parlez- moi de cette douleur.

-Je ne suis pas prêt à vous en parler.

Psychiatre: Si vous l'êtes, vous m'en parler déjà, vous tourner autour du pot, ce qui en dit long. Vous en parlez sans même vous en rendre compte. Vous avez peur de rentrer au cœur du sujet.

- Oui.

Psychiatre: Vous allez pourtant devoir le faire pour aller mieux.

-Sacha....

Le manège de ma vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant