Partie 24✒

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Nous quittons la maison de notre ami et faisons un dernier signe de la main en direction de la fenêtre où sont amassés Jack et ses parents.

Je suis soulagée. Jack a joué le jeu et je n'ai pas eu droit à d'autres questions déstabilisantes.

Nous avançons sur le chemin et je me rend compte alors que ma cheville me fait encore mal à certain moment.

- N'empêche, je les aurais bien tous manger moi les gâteaux d'Annie, rigole Bastien.

- Moi aussi ! Je répond.

Une voiture qui approche au loin couvre nos voix. C'est un camion allemand. Il roule au milieu de la route, et se balance sur les côtés à cause des cailloux. Quand il passe à côté de nous, je remarque deux hommes assis à l'intérieur du véhicule. L'un m'est familier. Mon coeur accélére quand je reconnais Hattän. Je suis certaine que c'est lui. Même si le camion est passé vite, je sais qu'il était là.

Je tourne ma tête en direction des buissons afin de ne pas croiser le regard d'Hattän. Je ne sais pas pourquoi, mais mon corps agit comme si je ne le contrôlait plus.

Le camion est passé et je pousse un soupir de soulagement.

- Il peut pas rouler moins vite lui ? Peste Bastien. Abrutis !

Je ne réponds pas. Mon coeur bat encore trop vite. Est-ce qu'il m'a vu ? Est-ce qu'il m'a reconnu ? Je ne sais même pas si il se rappelle de moi. Peut être qu'il m'a oublié et qu'il est passé à autre chose. Il doit être occupé en ce moment et à autre chose à faire que de penser à une pauvre gamine comme moi.

Il faudrait d'ailleurs que je pense à le remercier pour l'autre jour. Mais comment ? Je ne vais pas aller me pointer à la comendature et demander à voir Hattän... C'est bien trop risquer. En plus je suis toujours accompagné pour sortir.

Nous terminons notre chemin en courant, même si c'est très compliqué pour moi avec ma cheville, rien ne nous empêchera de nous amuser.

Nous retrouvons nos parents à l'intérieur et je ressens de l'inquiétude dans les yeux de ma mère.

- Vous allez voir Jack ? Demande maman soucieuse.

- Oui, pourquoi ? Lui répond Bastien.

- Comment avez-vous trouvé ses parents ? Est-ce qu'ils étaient souriants ? Ou triste ? Continue t-elle.

- Non ils avaient l'air d'aller bien... Dit mon frère qui ne comprend pas les questions de ma mère. Annie a fait des gâteaux et Henri bricolait dans la grange, il m'a même appelé pour que je vienne l'aider.
Mais pourquoi tu nous demande ça ?

Je repense au journal posé sur la table tout à l'heure. Les lois contre les juifs... Jack et sa famille sont juifs. C'est vrai qu'il ne l'avait jamais évoqué avec moi ni avec Bastien. Mais j'ai bien compris tout à l'heure avec l'inquiétude de ma mère et la colère de mon père qu'ils étaient bien juifs.

- Tiens, dit mon père, en balançant le journal qu'il tient dans ses mains sur la table, juste devant Bastien.

Mon frère pose les yeux sur la première page du journal et la lit attentivement. Je le regarde quand son visage change d'expression. Son poing se serre, appuyé sur la table et sa mâchoire se crispe.

Il regarde mes parents, puis moi. Une lueur terrifiante passe dans ses yeux. Je connais bien mon frère. Je sais que lorsqu'il est en colère, rien ne peut l'arrêter. Ma mère s'approche doucement de lui, et pose sa main sur son épaule.

- Mon chéri, tout ça va s'arranger. Ça ne nous concerne même pas. On est tranquille pour l'instant...

- Maman ! Hurle mon frère en frappant la table du poing. Le vase posé dessus tremble avant de tombé. Heureusement il ne touche que la table et ne se casse pas. Ma mère recule d'un pas.

- Tu ne comprends rien ou quoi ! Et Jack ? Henri et Annie ? Ils sont juifs eux ! Ce sont nos amis bordel, et toi tu t'en fous ! Il était donc au courant... Pourquoi lui savait que la famille de Jack est juive et pas moi ? Je suis furieuse tout autant que lui. Je ne comprend pas pourquoi moi on ne me dit jamais rien. Soit disant "pour me protéger de la réalité et du danger". J'ai seize ans maintenant ! Je ne suis plus un bébé qui ne comprend rien à rien.

- Comment tu savais qu'ils sont juifs ? Je demande à Bastien, en me tournant vers mes parents.

- Je le sais, c'est tout, se contente de répondre mon frère.

Je m'adresse ensuite à mes parents:

- Pourquoi je ne savais rien moi ? Pourquoi vous dites toujours tout à Bastien et rien à moi ! J'ai l'impression d'être une petite gamine à qui il faut TOUT cacher !

Mes parents se regardent, ne savant pas quoi faire. Leurs yeux sont remplis de culpabilité. Ma mère soupire en s'asseyant sur une chaise.

- Ma chérie, commence t-elle. Ce n'est pas si important. On peut passer à autre chose tu sais ? Me dit-elle tristement.

- Comment ça " ce n'est pas si important " ! Bien sûr que si ça l'est. Jack est mon ami. Et j'ai le droit de savoir tout autant que Bastien !

- Peut-être que si Jack ne t'en à jamais parlé, c'est qu'il ne tient pas à ce que tu sois au courant, poursuis mon père.

Je réfléchis. Donc mon frère ne l'a pas appris par mes parents, mais par Jack. Comment c'est possible ? C'est moi qui suis dans la classe de Jack, pas Bastien. Il me dit tout d'habitude. Pourquoi cette information si importante pour tout le monde aujourd'hui m'est passé au travers ?

- Mais... Je croyais que c'était vous qui lui avait dit... Dis-je à mes parents.

- Non, répond Bastien. Jack m'en a informé il y a longtemps déjà. C'est de l'histoire ancienne Ella... Laisse tomber.

- Non je ne laisserai pas tomber ! Jack est comme mon meilleur ami, pourquoi il ne m'a rien dit ?

Bastien soupire à son tour et monte dans sa chambre. Mes parents restent là, planté au milieu de la pièce à me regarder avec ses yeux que je connais bien. Un regard plein de tristesse, et de remords. C'est ce qu'on connaît tous en ce moment. La tristesse. La véritable tristesse de la guerre. Mais quand allons nous être heureux comme avant ? Quand les allemands auront perdus la guerre et retourneront chez eux ? Ou alors, c'est peut-être eux qui vont la gagner cette guerre...

𝙐𝙣 𝙖𝙢𝙤𝙪𝙧 𝙚𝙣𝙣𝙚𝙢𝙞                             { TERMINÉ  }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant