2 - Froid et chaud

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Mes oreilles bourdonnaient. Le coup de feu m'avait-il touchée ? Pire encore, étais-je morte ? Je ne percevais rien d'autre que mon cœur affolé dans ma poitrine et le son sourd qui avait suivi la détonation.

« Je vous le répète : déposez tout ce que vous possédez au sol ! Obtempérez ou vous le regretterez ! »

J'ouvris les yeux lentement, reconnaissant cette voix. Le revolver était par terre à une dizaine de pas du fiacre. Le couple se tenait contre un mur,menacé par un jeune homme couvert de poussière et armé d'un long poignard. Un autre homme était en train de ramasser l'arme à feu et son coutelas qui gisait à côté, probablement le projectile qui avait envoyé valser le revolver. La main ensanglantée du mari me confirma mon hypothèse.

« Je crois que je n'ai jamais été aussi heureuse de devoir partager les gains avec vous... les remerciai-je implicitement.

- Je veux bien te croire, répondit Em sans cesser de menacer le couple de sa lame. »

Em, un jeune adulte aux cheveux châtains hirsutes, et Milloh, un ancien esclave à la tignasse noire et à la peau marquée de cicatrices, vivaient tous deux à la rue. En échange d'une part du butin, ils m'assistaient si la situation ne jouait pas en ma faveur. Chacun à notre manière,nous étions une chance de survivre pour l'autre ; je leur assurais un petit revenu et ils assuraient ma protection.

Je saisis délicatement le revolver que Milloh me tendait du bout des doigts. Il détestait le contact physique. Sa vie en écurie d'esclaves l'en avait dégoûté semblait-il. De son côté, Em fit fuir nos victimes à moitié nues,portant leurs affaires et leurs vestes onéreuses jusqu'au fiacre.Frôler la mort n'était qu'un bien petit prix à payer pour un tel butin.

Em et Milloh se plantèrent devant moi en silence ; ils attendaient que je procède au partage. Une certaine distance physique et un silence froid s'installèrent. Cette réserve ne me mettait plus aussi mal à l'aise qu'au début même si je la déplorais. Si Em émettait parfois quelques mots, Milloh se contentait de signes de la tête et de grognements. Je ne me voilais pas la face ; s'ils acceptaient volontiers de travailler avec moi, ils ne me faisaient pas totalement confiance malgré les nombreux mois passés à travailler ensemble.

J'emballai la part de Milloh dans une veste et la déposai à ses pieds ; il était bien trop effrayé par le toucher d'autrui pour que je la lui donne directement. Il partit sans dire un mot, fidèle à lui même, et je donnai sa récompense à Em qui ne tarda pas à le suivre.

Finalement seule dans la rue, un fiacre plein à craquer de bijoux et une migraine subite martelant mon crâne, je décidai de tirer ma révérence avant de devenir la cible de charognards tapis dans l'ombre.



Sur l'insigne de bois verni, ornée d'une plante grimpante des plus charmantes, on pouvait lire « Rose Bée ». Je dépassai l'entrée principale pour rejoindre la cour arrière. Je garai mon fiacre à l'abandon au milieu de l'herbe, laissant les esclaves amener le cheval aux écuries et ramasser mon butin sous l'œil inquisiteur de Mère Ronama. Je me dirigeai vers elle, fière de ce que j'avais réussi à rapporter.

« C'est du bon travail, annonça-t-elle sans préambule. Nous allons pouvoir racheter de l'alcool avec ça.

- Merci Mère. »

Elle tendit la main pour m'ébouriffer les cheveux mais se figea, pivota son poignet et effleura finalement ma joue. Je la laissai faire, interrogative. Son front barré de mèches poivre et sel se plissa lorsqu'elle ramena ses doigts vers elle. Entre son pouce et son index, elle étala un peu de liquide rouge.

ExplosiveWhere stories live. Discover now